Thursday, October 18, 2012

Citation du 18 octobre 2012


Même en considérant l’histoire comme l’autel [Schlachtbank — abattoir] où ont été sacrifiés le bonheur des peuples, la sagesse des États et la vertu des individus, on se pose nécessairement la question : pour qui, à quelle fin ces immenses sacrifices ?
G. W. F. Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire, trad. par Jean Gibelin] (1)


Oui, à quelle fin ces immenses sacrifices de l’histoire ?
Hegel répond en distinguant la marche de l’histoire universelle, celle qui mène l’humanité de la barbarie initiale vers une civilisation accomplie ; des moyens par lesquels s’effectue cette progression, à savoir les actions des hommes réels poussés par leurs besoins et leurs passions.
--> Que des générations entières soient sacrifiées à ces passions n’empêche que la lente mais inexorable marche de l’histoire se réalise – et qu’elle se réalise grâce à ces désordres.
Application
- Que les grecs meurent de faim, que certains d’entre eux plongent dans la barbarie xénophobe, que les plus faibles se prostituent aux plus forts, qu’importe – si telle est la condition pour que soit sauvé l’Euro ? Ce qui, traduit en langage hégélien veut dire : les individus n’ont pas d’histoire mais les œuvres issues de la volonté des peuples en ont une.
- Que des femmes auparavant libres, soient soumises à la dure loi d’hommes barbus, qu’elles soient violées, répudiées, privées de ressources et contraintes d’endurer l’égoïsme et la cupidité de leurs maris, qu’importe – si c’est la condition pour qu’éclate au grand jour une injustice telle que dans un siècle ou deux on s’avisera d’y mettre fin ? Qu’importe le mal, s’il est la condition d’un plus grand bien ?
Quand on coule et qu’on suffoque, on peut toujours espérer toucher le fond de la piscine pour remonter à la surface d’un coup de talon.
C’est ce qu’ont dû penser les passagers du Titanic plongeant dans les eaux de l’Atlantique.

N.B. Il serait peut-être prudent de vérifier le nom du bateau sur lequel nous naviguons en ce début de 21ème siècle.
----------------------------------------
(1) Voici le texte (dans une autre traduction) :
Quand nous considérons le spectacle des passions et que nous envisageons  les conséquences de leur violence, la déraison qui s’allie non seulement à  elles, mais aussi et surtout aux bonnes intentions, aux fins légitimes, le  mal, l’injustice qui en surgit, la ruine des empires les plus florissants  qu’ait produit le génie humain, nous ne pouvons qu’être remplis de  tristesse par cette caducité, et, étant donné qu’une telle ruine n’est pas  seulement un effet de la nature, mais encore de la volonté humaine, en  arriver, en face de ce spectacle, à une affliction morale, à une révolte de  l’esprit du bien qui se trouve en nous. On peut, sans exagération oratoire,  amplifier ces résultats jusqu’au tableau le plus terrible, simplement en  rapprochant avec exactitude toutes les infortunes subies par ce qu’il y a  eu de plus beau en fait de peuples, de constitutions et de vertus et  pousser ainsi l’émotion jusqu'à la douleur la plus profonde, la plus  troublante à laquelle ne peut faire contrepoids aucune conséquence  apaisante; nous ne pouvons plus nous maintenir contre elle ou nous y  arracher que par cette pensée: C’est ainsi! C’est la destinée! On n’y peut  rien changer! et nous retirer, loin du tracas que pourrait susciter en nous  cette réflexion douloureuse, dans la sphère de nos intérêts immédiats et de  nos préoccupations personnelles, bref dans l’égoïsme, qui, sur la rive  tranquille, jouit de là en sûreté du spectacle lointain de la masse confuse  des ruines. Cependant, même en considérant l’histoire comme l’autel où ont  été sacrifiés le bonheur des peuples, la sagesse des Etats et la vertu des  individus, on se pose nécessairement la question: Pour qui? A quelle fin  ces immenses sacrifices? Hegel 

No comments: