Dès que nous nous blâmons, il nous semble que personne n'a
plus le droit de le faire.
Oscar Wilde
Qui se méprise soi-même s’honore du moins comme
contempteur. (1)
Nietzsche – Par-delà
le bien et le mal IV, 78
Cycle Oscar Wilde – La citation du jour rend ici hommage à Oscar Wilde
que les amateurs de citation connaissent bien pour son sens de la formule et
pour son intelligence désabusée
Oui, nous en connaissons tous des gens comme cela. Je
veux dire des gens qui s’empressent de s’autocritiquer pour éviter que les
autres le fassent. Ou plutôt, pour le leur interdire.
L’exemple le plus connu est donné par la célèbre Tirade du nez du Cyrano de
Rostand : voilà Cyrano qui décrit son nez proéminent en l’affublant de
tous les ridicules et de toutes les énormités, et qui conclut en disant que si
son adversaire avait tenté de le faire, il lui eut immédiatement porté une
estocade.
Un autre exemple ? Les histoires sur les
juifs : seuls les juifs osent en raconter. Sur les arabes ? Ecoutons
Smaïn en scène : « Y a-t-il des français dans le public ? Les
français : levez la main droite. Et puis levez aussi la main gauche. Les
arabes, fouillez dans les poches ». Croyez-vous qu’une telle histoire
aurait pu être racontée par quelqu’un qui ne serait pas d’origine
maghrébine ?
Il arrive que dès le départ, on cherche à
désamorcer la critique : on se blâme, certes, mais pour un défaut
microscopique. Mais globalement, ce qui transparait dans la citation de Wilde
reste valide : en tout état de cause, on n’est pas blessé ni mis en cause
lorsqu’on se critique soi-même, un peu comme si on n’y croyait pas vraiment,
que ce soit une minauderie qu’on concède au public, mais qui n’est pas vraiment
sincère.
Et même si ce n’est pas le cas, si nous nous fustigeons
réellement, il nous reste à considérer comme Nietzsche que le mépris de soi est
une manière de s’estimer – du moins en tant qu’au moins on est un bon contempteur,
qui sait pratiquer avec talent l’art du mépris.
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(1) Contempteur (mot du jour) – Celui qui critique avec
mépris.
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