Tant qu’il s’agit du piano, je me fie entièrement au
sentiment. Je ne m’en méfie que dans la vie.
Oscar Wilde
Cycle Oscar Wilde – La citation du jour rend ici hommage à Oscar Wilde
que les amateurs de citation connaissent bien pour son sens de la formule et
pour son intelligence désabusée
Wilde
souligne un paradoxe : les sentiments ne sont authentiques que pour autant
qu’ils sont artificiels, entendez quand ils sont générés par la musique et non
par des rapports « réels », c’est-à-dire avec des « vrais »
gens. Façon de dire que dans la vie quotidienne il ne faut surtout pas s’y
fier, et qu’ils ne sont pas des guides sûrs dans les rapports avec autrui.
- La
musique, chacun l’a éprouvé, engendre des sentiments très forts, et même elle
constitue une force affective telle que certains l’ont condamnée pour cela (1).
Pour ce qui est du piano,voyez le pianiste et les émotions qui se peignent sur
son visage : sans aller jusqu’aux excès de Lang-Lang (qui trempe le
clavier de ses larmes), ses attitudes révèlent souvent les tempêtes affectives
dont il est le siège, qu’il joue Chopin ou Schumann. C’est en concert qu’il
faut apprécier la chose : prenez les Scènes
d’enfants, justement de Schumann : 13 pièces n’excédant jamais 3
minutes et d’un tonalité affective chaque fois différente. Imaginez le pianiste,
submergé par la douce émotion d’Au coin
du feu, et qui doit enchainer abruptement avec Le cavalier sur le cheval de bois : la difficulté n’est pas
que technique…
Mais
justement, cela nous permet de toucher peut-être à l’essentiel. Si Oscar Wilde
nous dit qu’il ne se fie qu’aux sentiments éveillés en lui par la musique,
c’est peut-être parce qu’ils ne durent que ce que dure la musique. Elle bâtit
un univers qui, tel un mirage dans le désert, s’évanouit après la dernière
note.
Par
contre les sentiments engendrés par nos semblables dans la réalité sont un peu
plus durables, et peut-être sont-ils ce qui dure le plus – et donc ce qui
trompe le plus..
---------------------------------------
(1)
Il n’est que de se rappeler l’exclusion dont elle a été victime dans la Cité de
Platon, et le rôle attribué à la musique populaire russe durant la période
stalinienne : Chostakovitch et Prokofief en ont fait les frais.
No comments:
Post a Comment