Ceux donc qui sont féconds selon le corps aiment les
femmes, et se tournent de préférence vers elles, croyant s'assurer, par la
procréation des enfants, l'immortalité, la perpétuité de leur nom et le
bonheur, à ce qu'ils s'imaginent, dans la suite des temps. Mais il y a encore ceux
qui sont féconds selon l'esprit – car il en est qui sont encore plus féconds
d'esprit que de corps, pour les choses qu'il appartient à l'esprit de produire.
…
Platon – Le Banquet,
209a (lire la suite en annexe)
Mariage homosexuel :
Contribution au débat I
A chaque fois que la question du couple homosexuel
réapparait, il est temps de ressortir Le
Banquet de Platon.
Ainsi, le débat est-il aujourd’hui réactivé et porté à
son maximum par la possibilité pour des couples homosexuels (composés d’hommes
ou de femmes) d’avoir des enfants et de les élever. Et les experts de se
demander s’il est bon pour un enfant d’avoir deux papas ou deux mamans.
Mais on se trompe selon Platon : si vous voulez
faire des enfants, allez donc en faire avec le partenaire de sexe opposé et
n’en parlons plus.
Par contre, l’amour entre deux hommes (et j’ajoute entre
deux femmes pour neutraliser la misogynie platonicienne), ne saurait avoir pour
but de procréer des enfants. Il y a beaucoup mieux à faire : c’est procréer
selon l’esprit, c’est-à-dire enfanter de belles œuvres de l’esprit, inspiré,
excité par la belle âme du – de la – partenaire. Car si la procréation est un
effort pour acquérir l’immortalité, il est beaucoup plus efficace de
s’immortaliser dans des œuvres que dans une descendance.
Ainsi donc, pourquoi choisir un partenaire du même sexe,
sinon pour avoir une vie harmonieuse avec un être suffisamment proche et
suffisamment différent pour une collaboration dans une procréation mutuelle et
intellectuelle ?
Il n’est bien sûr pas interdit aux hétérosexuels d’avoir
le même objectif, mais le plat souci de
la propagation de l’espèce (pour citer Sade) risque de l’obscurcir. Tout le
monde n’est pas capable de fonder un couple du genre Sartre-de Beauvoir !
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Annexe : Quand donc un mortel
divin porte en son âme, dès l'enfance, [209b]
le germe de ces vertus, et que, parvenu à la maturité de l'âge, il désire
produire et engendrer, il va aussi çà et là cherchant la beauté dans laquelle
il pourra engendrer, car jamais il ne le pourrait dans la laideur. Dans
l'ardeur de produire, il s'attache donc aux beaux corps de préférence aux laids
; et, s'il rencontre dans un beau corps une âme belle, généreuse et bien née,
cette réunion lui plaît souverainement. Auprès d'un tel homme, il abonde
aussitôt en discours sur la vertu, sur les devoirs et [209c]
les occupations de l'homme de bien, et il s'applique à l'instruire ; car le
contact et le commerce de la beauté lui font engendrer et produire ce dont il
portait le germe. Absent ou présent, il pense toujours à son bien-aimé ; et ils
nourrissent en commun les fruits de leur union. Aussi le lien et l'affection
qui les attachent l'un à l'autre sont-ils bien plus intimes et bien plus forts que
ceux de la famille, parce que leurs enfants sont plus beaux et plus immortels.
Et il n'est personne qui ne préfère de tels enfants [209d]
à toute autre postérité, s'il considère et admire les productions qu'Homère,
Hésiode et les autres poëtes ont laissées d'eux, la renommée et la mémoire
immortelle que ces immortels enfants ont acquise à leurs pères ; ou bien encore
s'il se rappelle les enfants que Lycurgue a laissés après lui à Lacédémone, et
qui sont devenus le salut de cette ville, je dirai presque de la Grèce entière.
Solon de même est en honneur parmi vous comme père des lois ; et d'autres
grands hommes sont honorés en diverses contrées, [209e]
soit en Grèce, soit chez les Barbares, parce qu'ils ont produit une foule
d'œuvres admirables et enfanté toutes sortes de vertus. De tels enfants leur
ont valu des temples, mais nulle part les enfants du corps n'en ont valu à
personne.
(On peut lire la traduction du Banquet ici.)
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