Un jour, au terme d'une de ces
conversations sauvagement anticommunistes comme en avaient vers 1956 les
intellectuels exclus du PCF ou qui l'avaient abandonné, Clara Malraux constata
sur un ton de superbe tristesse : « On aura beau dire, c'est nous qui avons
eu la plus grande espérance » (1)
François
Nourissier – À défaut de génie
…c'est
nous qui avons eu la plus grande espérance !
Qui est ce « nous » qui a eu la plus grande espérance ? 1956 : il
s’agit de l’espérance de ceux qui voyaient dans le communisme incarné par
Staline l’espérance ultime, l’avenir
radieux comme Zinoviev le dira ironiquement.
L’espérance purificatrice a justifié le
stalinisme : être anti-stalinien, c’était être non seulement un ennemi du
peuple, mais c’était aussi – c’était surtout – assassiner l’espoir.
- Dénoncer les procès de Moscou :
c’était faire le jeu des impérialistes.
- Protester contre le Blocus de Berlin,
c’était être dans le camp des revanchards allemands qui rêvaient de rallumer le
feu de la guerre.
Etc… Lorsque le rapport Kroutchev (25
février 1956) et la répression en Hongrie (23 octobre-10 novembre 1956) ont
secoué la bonne conscience marxiste, certains comme le dit Nourrissier ont
quitté le PC. D’autres ont continué la route avec lui, considérant, avec Clara
Malraux que la grande espérance ne pouvait prendre fin ainsi.
Cette grande
espérance a donc tous les attributs de la foi. On sait que la foi
religieuse consiste en l’intuition qu’elle ne peut prendre sa source qu’en Dieu
(elle est une grâce dont le Seigneur non fait le don) et donc que son existence
en nous confirme Son existence hors de nous. Eh bien, l’espérance dont fait
état Clara Malraux c’est exactement cela : ce que j’espère doit arriver,
parce que je l’espère très fort – et avec tant de pureté !
Mais du coup on se trouve devant le
fonctionnement le plus général du désir, avec simplement comme caractère
exceptionnel sa force extrême. (2)
Il importe donc non pas seulement d’avoir
une espérance, mais encore d’avoir une très grande espérance, la plus grande
même !
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(1) Voici le texte complet : « Un
jour, au terme d'une de ces conversations sauvagement anticommunistes comme en
avaient vers 1956 les intellectuels exclus du PCF ou qui l'avaient abandonné,
Clara Malraux constata sur un ton de superbe tristesse : "On aura beau
dire, c'est nous qui avons eu la plus grande espérance..." Qui n'a pas
compris cela - et nos cadets sont mal placés pour le comprendre - ne saisira jamais ce qui a interdit au moins
à deux générations de Français d'expédier le communisme aux oubliettes, fût-ce
sous le nom de stalinisme. On a beau avoir été escroqué, on a beau avoir été
escroc, on n'efface pas d'un haussement d'épaule cette grande espérance dont
parlait Clara, le rêve aux yeux. »
(2) En lui ajoutant il est vrai la pureté
c’est-à-dire le désintéressement et l’amour du prochain. On pourrait qualifier
ce désir d’« esthétique » selon le vocabulaire kantien.
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