Le droit ne se négocie pas.
Jean-Jacques Urvoas, président de la
commission des Lois de l'Assemblée nationale, à propos de l’extraditiond’Aurore Martin en Espagne.
Le droit, c’est
ce qui se négocie avant, pas après. Du coup il n’y a plus qu’à
appliquer la loi, telle que formulée par le Code (civil, pénal, etc..).
Oui, mais :
- On peut se
demander pourquoi dans ce cas il nous faut des juges. Pour qu’ils « disent
la loi » ? Si nous savons lire, il n’y a besoin de personne pour lire
les textes de lois. Chacun devrait y suffire, et si le langage juridique est
abscons, il n’y a qu’à le traduire en langage vulgaire.
- Toutefois, la loi ne peut tout prévoir, et son
application mécanique, au lieu de réparer une injustice, risque d’en constituer
une de plus (1).
Dès lors, les juges ne sont-ils pas là pour prendre en
compte cette indétermination de la réalité qui n’est pas faite exprès pour que
la loi s’y applique exactement ? Ne seraient-ils pas comme ces cordonniers
qui adaptent la chaussure à votre pied, parce que l’inverse n’irait pas ?
C’est en effet ce qui se passe, selon ce qu’on appelle
« jurisprudence », et en fonction de la distinction qui existe entre
« l’esprit et la lettre » de la loi.
Oui, mais voilà : cette adaptation ne saurait se
confondre avec une négociation. Pas seulement parce que dans une négociation on
a deux parties qui se concertent à égalité, alors que les juges tranchent dans
le secret de leur conscience ou de leur bureau, mais aussi parce que, dans la
négociation, la justice – ou la vérité – c’est ce que les deux parties vont décider
de considérer comme juste et comme vrai. Nulle norme pour leur dicter leur
décision : on est dans l’ordre du contrat.
Par contre, avec la loi – et donc avec le droit qui est
chargé de l’appliquer – la norme existe, et les décisions du juges ne sont là
que pour faire coïncider le réel avec elle.
- Donc, revenons-en au cas évoqué : fallait-il
extrader Aurore Martin ? Un Etat souverain peut-il renier ses engagements
vis-à-vis des pays avec lesquels il a contracté un accord ?
Renier ses engagements, c’est possible pour un Etat
souverain. Mais ça a un coût, et il n’est pas sûr qu’on ait considéré qu’Aurore
Martin valait ça. (2)
-----------------------------------
(1) Summum jus,
summa injuria. (Justice extrême
est extrême injustice) – Térence (voir ici)
(2) A contrario,
on a bien vu comment le Brésil a tranché dans l’affaire Cesare Battisti.
No comments:
Post a Comment