Tuesday, November 13, 2012

Citation du 14 novembre 2012



Les gens ne croient plus à la mort. Ils croient à l'usure.
Françoise Sagan
Quand on lit Françoise Sagan on a l’impression de lire des banalités, des bouts de vie ordinaire, quelque chose de fade et de rebouilli dans la marmite de la vie quotidienne.
Pourtant il arrive aussi qu’on soit – à la réflexion – saisi par le relief que prennent ces platitudes une fois exposées à la réflexion du lecteur.
Qu’est-ce que mourir ? Sagan nous dit : c’est disparaitre parce qu’on est usé. Et ce n’est pas rien !
- La mort, ce mystère de la vie spirituelle qui quitte le champ de la conscience pour basculer dans celui de l’au-delà : évacué !
- Cette énigme de la matière vivante qui cesse de se reconstituer pour devenir charogne : disparue !
--> Mais, si la mort cesse d’être cette rupture angoissante, c’est pour s’insinuer dans notre vie quotidienne : elle est là, elle nous pénètre par tous les pores de notre peau, car depuis notre naissance nous nous usons, jour après jour.
Du coup, on change de vision, on change de stratégie : après avoir œuvré pour notre salut dans l’au-delà, œuvrons pour éviter de gaspiller notre capital-santé dès aujourd’hui – ce que bien sûr Sagan n’a pas fait : cette économie, ce n’était pas pour celle qui conduisait pieds nus sa Jaguar, à 200 à l’heure sur la Nationale 7.
L’usure de l’être humain, on connait bien : c’est ce qui se passe quand on vieillit. La mort ne serait ainsi que le passage à la limite du vieillissement, une sorte d’extinction progressive, comme la chandelle qui vacille et qu’un souffle d’air suffit à éteindre.
Mais qu’est-ce que ça fait ? On finit tout de même crevé, et le fait de mourir à petit feu ne devrait pas nous réjouir plus que ça.
Sauf que, issue d’Angleterre, la mode du shabby smart est venue séduire nos décorateurs. Il s’agit – si j’ai bien compris – de valoriser les vieux objets, les vieux meubles, les vieilles tapisseries qui se sont fanées sur nos murs. Reconnaissons la valeur de l’usure, car elle nous transmet l’épaisseur du temps écoulé, elle nous donne à voir les gestes quotidiens dans la peinture élimée sur la porte du placard – un peu comme des  marches d’escaliers usées par des générations de pieds. Cette usure, voilà que nous la préservons, que la nettoyons non pour l’effacer, mais pour la rendre plus évidente : voilà donc qu’on s’abstient de restaurer les vieilleries afin de leur restituer l’éclat du neuf.
S’il en est ainsi du vieillissement, voilà qui va revigorer les vieilles peaux, redonner de la fierté aux crânes dégarnis, aux bedons proéminents et aux poitrines avachies.
Ça va être la ruine des chirurgiens esthétiques.

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