Il y a loin de la croupe aux lèvres.
Boris Vian
Je me demande si je ne suis pas en train de jouer avec
les mots. Et si les mots étaient faits pour ça ?
Boris Vian
Dire des idioties, de nos jours où tout le monde
réfléchit profondément, c'est le seul moyen de prouver qu'on a une pensée libre
et indépendante.
Boris Vian – Le
Goûter des généraux
Pour quelqu’un qui, comme moi, commente des citations, c’est
une aubaine de tomber sur une citation commentée par son propre auteur, et
surtout quand ce commentaire prend comme ici la forme de citations.
1 – je … suis …
en train de jouer avec les mots – Il s’agit en effet d’un simple jeu de
mots : la croupe est ici une
altération de la coupe, ce qui
revient à glisser sous une formule bien admise une vilaine cochonnerie (1).
2 – Et si les mots
étaient faits pour ça ? Prendre la fonction secondaire pour la principale (procédé
déjà rencontré chez Vian : voir ici). A quoi bon parler si ce n’est pour
en rire ?
3 – Dire des
idioties… c'est le seul moyen de prouver qu'on a une pensée libre et
indépendante. Autojustification ou autocritique ? On attendrait en
effet autre chose : par exemple que le seul moyen de dégonfler des propos
ampoulés (qui nous « gonflent » justement), c’est de montrer qu’ils
ne valent pas mieux que les idioties qu’on leur substitue.
--> Au lieu de cela, on trouve l’aveu d’une pauvre
manip’.
Façon de désarmer la critique en la devançant ?
4 – Ou plutôt manifestation d’un humour kierkegaardien
consistant à rire de soi-même pour montrer qu’il existe quelque chose (de plus
sérieux) au-delà.
A la suite de Kierkegaard, Boris Vian serait-il donc en
train de nous inviter à passer du stade éthique au stade religieux ?
Mais voilà que moi aussi je vous « gonfle » par
mes propos-ampoulés… Me tapez pas ! Aïe ! Pas sur la tête !
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(1) Dont la moindre est de faire allusion à la croupe
(féminine) dont la proximité avec les (petites) lèvres est bien connue (c’est
pas moi qui dit ça : c’est ceux-là). On est dans l’humour de cour de
récré.
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