Tout se dévoile et se vêt de grâce. La nudité est le
vêtement du roi. Naître est peut-être cette mutation du voilé en ce vêtement de
transparence plus dense que dix mille oripeaux.
Jacques Renaud –
Clandestine(s), ou, La tradition du couchant
Commentaire I
La nudité est le
vêtement du roi. On se rappelle le conte d’Andersen : le Roi par
sottise et par orgueil parade dans les rues entièrement nu. Chacun l’acclame prétendant
voir ses beaux vêtements … qui n’existent pas. Un enfant s’écrie :
« Le Roi est nu ! ». Et le
Roi comprit qu’il avait raison, mais continua sa marche sans dire un mot.
Un peu comme nos ministres, quand leur incapacité à maitriser la situation éclate
au grand jour, persistent comme si tout allait bien…
Jacques Roubaud prend l’exact contrepied de ce conte. Un
peu comme Montaigne et Rousseau faisant de la transparence la condition de la
moralité, c’est donc la vertu des rois que d’apparaitre tels qu’ils sont, dans
la vérité de la nudité.
Bon – Ce n’est peut-être pas l’exigence de chacun que de
voir le Président ou ses ministres à poil. Et même que, si c’était obligatoire,
on n’aurait peut-être pas élus ceux-là, leur préférant Miss France. On comprend
que la nudité en question est seulement métaphorique : c’est en réalité la
transparence de la pensée. Faire que ce soient leurs intentions effectives qui
transparaissent au lieu des discours langue-de-bois.
Imaginez : Marseillaise, plan fixe sur la façade de
l’Elysée, et voici le Président qui apparait solennellement derrière son
pupitre. Il va parler à la Nation – Il parle.
Mais voici un prodige : en bas de l’écran, des
sous-titres défilent : c’est l’énoncé exact des pensées du Président au
moment même où il s’adresse à nous !
… Est-ce qu’on souhaite vraiment cela ? Je le dis sans aucune animosité envers mes
concitoyens : je reste persuadé qu’ils ne souhaitent pas du tout entendre
un discours de vérité : la vérité sur l’état de la France, ils la
connaissent déjà ; ils savent que ce qu’il y a à faire pour en sortir – et
ils savent ce ne sont nos dirigeants politiques qui le feront (1). Par rapports
aux candidats à des fonctions de pouvoir, leur souhait, c’est d’être bercé de
promesses qu’ils savent fausses, mais qu’ils aiment entendre. Sans cela,
comment comprendre qu’on supporte encore les propos de nos dirigeants ?
(Faut-il ajouter qu’une fois élus on attend d’eux qu’ils se montrent de temps à
autre pour recevoir des tomates pourries ?)
Je vous promets de
la sueur du sang et des larmes disait Churchill.
Tout le monde n’est pas Churchill, parce que tous les
peuples ne sont pas le peuple anglais de 1940.
A suivre…
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(1) Je me suis embarqué dans une phrase un peu
emberlificotée. Je veux dire : que nos dirigeants nous sortent de la
mouise, ils le feront peut-être. Mais ce serait alors en tant que gestionnaires
avisés et non en tant que gouvernants choisissant le cap à tenir – et s’y
tenant.
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