Tout se dévoile et se vêt de grâce. La nudité est le
vêtement du roi. Naître est peut-être cette mutation du voilé en ce vêtement de
transparence plus dense que dix mille oripeaux.
Jacques Renaud –
Clandestine(s), ou, La tradition du couchant
Commentaire II
Naître est
peut-être cette mutation du voilé en ce vêtement de transparence plus dense que
dix mille oripeaux… La naissance conçue non pas comme le passage de la
protection maternelle à la menace du monde extérieur dangereux pour le petit
enfant, mais comme passage du voilé au transparent, c’est-à-dire du caché au
manifeste
Et la transparence non pas comme étant constituée par un
voile arachnéen, mais comme ce qui constitue une densité plus grande que 10000
vêtements superposés…
Que les contradictions se bousculent peut résulter d’un
procédé rhétorique. Mais que la pensée soit du coup mise en mouvement, voilà
qui est plus intéressant.
D’abord évacuons une difficulté qui ne parait pas
essentielle : celle qui résulte de l’identification de la nudité à la
transparence. Est transparent ce qui voile tout en laissant apparaître. La
femme nue et Salomé avec ses sept voiles : en principe ça n’est pas la
même chose.
On oubliera donc la prime à l’érotisme constituée par la
transparence du 7ème voile, mais ce que nous retiendrons en
revanche, c’est la densité accordée à
la nudité. C’est la densité du corps qui est notre vérité ; il ne s’agit
plus du corps-tombeau de l’âme, comme chez Platon, ni du corps excitant-du-péché
comme chez les chrétiens. Non : c’est le corps-mouvement qui, comme dans
la danse, exalte la légèreté et la grâce (il faut en effet être bien ignorant de l’art de la danse
pour imaginer que la danse de Salomé fut un banal strip-tease). C’est aussi la
culture du corps qui réalise la santé de l’âme (qu’on pense aux gymnastiques
chinoises).
Reste que notre attitude vis-à-vis de la nudité est
forcément quelque chose de culturel : non pas que ce soit la culture qui
nous fasse admirer la grâce de Salomé encore vêtue et nous excite dès qu’elle
est nue. Mais la recherche et la valorisation de l’un ou de l’autre dépend
surtout de notre éducation – j’allais dire : de notre civilisation.
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