Thursday, March 28, 2013

Citation du 29 mars 2013



Cellophane / Mister Cellophane / Shoulda been my name / Mister Cellophane / 'Cause you can look right through me / Walk right by me / And never know I'm there...
[Cellophane / Monsieur Cellophane / Ça devrait être mon nom / Monsieur Cellophane / Parce qu'on peut voir à travers moi / Marcher droit sur moi / Comme si je n'étais pas là !]
Comédie Musicale Chicago – Adaptation filmée de Rob Marshall
Transparence I
Être transparent, comme Mister Cellophane, celui qu’on bouscule dans la rue simplement parce qu’on ne l’avait pas vu : y a-t-il pire  humiliation ? Quand les mendiants parlent de la mendicité ils ne s’en plaignent souvent qu’en raison de l’indifférence des passants : l’aumône qu’ils ne reçoivent jamais est celle d’un regard.
Humiliant certes, ça l’est. Mais pire encore : désespérant. Notre civilisation à la différence des civilisations asiatiques, accorde de l’importance à l’individu et non à la foule. J’imagine en effet qu’en Chine, on ne se pose pas la question de savoir si l’on est transparent ou pas : si j’étais chinois je me demanderais peut-être si je suis dans une foule de 1000, de 10000 ou de 100000 personnes. Mais je suis français et je me demande si on va me remarquer – me distinguer dans la file qui attend l’entrée au cinéma.
Et du coup, je peux aussi m’interroger : ne suis-je pas moi-même déjà bien transparent ? Mes collègues répondent-ils quand je leur dis bonjour le matin ? Mes voisins, ne passent-ils pas à côté de moi sans me voir (Walking right by me)?  Est-ce que mes enfants remarquent que je rentre à la fin de la journée ? Est-ce qu’ils voient si je suis fatigué ou plutôt joyeux, est-ce qu’ils entendent seulement quand je leur demande si leur journée d’école s’est bien déroulée ?
Tout cela est peut-être affligeant, mais c’est, comme on le voit, bien banal.
On pourrait donc inventer un instrument de mesure qui indique le coefficient de transparence dont nous sommes affligés, quelque chose comme un « gygèsomètre » (cf le fameux anneau de Gygès de Platon (1)) qui me permettrait de connaitre le degré d’invisibilité auquel je suis arrivé.
Il ne reste plus qu’à inventer un gygèsomètre : par exemple, on pourrait faire comme le héros  d’Emmanuel Carrère qui se rase la moustache (dans le film du même nom) : personne ne s’en aperçoit. Mieux même : quand il interroge on lui répond qu’on n’avait pas remarqué qu’il en eut porté une.
--> Rasez-vous donc la moustache ou bien changez de coiffure : et comptez le nombre de gens qui manifestent leur étonnement.
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(1) On trouve dans la République (livre 2 – 359d) cette fable : Gygès est un berger qui, suite à un séisme, découvre une bague magique qui lui confère le pouvoir de devenir invisible. Il se rend au palais royal et grâce à cette invisibilité, il séduit la reine, complote avec elle et assassine le roi pour s'emparer du pouvoir.

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