Il
y a un double interdit, celui aux États de déroger à certains droits, et celui
aux hommes de transgresser certaines valeurs, car les franchir conduirait à la
négation de ce qui donne son sens à l'humanité.
Mireille Delmas-Marty – Le
Monde de l'éducation - Juillet - Août 2001
Au nombre de ces
valeurs dont la transgression est interdite figurent sans doute les images saintes
du Christ – Admettons-le du moins. Et observons que, du coup, les profanations
de l’image du Christ sont des transgressions qui sont d’autant plus jouissives
à commettre pour ceux que travaille un anarchisme militant.
Mais ces transgressions sont-elles si évidentes ? Ne
risquons-nous pas de nous tromper quand nous les évoquons ?
Pâques est la bonne période pour le vérifier. Trois
moments forts qui peuvent devenir des occasions de blasphème : la cène ; la crucifixion ; la
résurrection.
1 – La cène de
Leonard de Vinci est devenue, depuis le succès du roman de Dan Brown, du pain
béni (!) pour les publicitaires : ils détournent fréquemment l’œuvre de
Leonard – par exemple comme ici en remplaçant Christ et apôtres par des femmes (sur
le thème de la transgression publicitaire, voir ici).
Sacrilège ? Peut-être, mais quand même sacrilège
« soft » : esthétisme,
abstraction du décor font de cette image quelque chose qui retient l’attention,
mais qui n’est pas censée dégouter.
2 – La crucifixion :
là aussi, mettre une femme sur la croix à la place du Christ est une
transgression assez courante (signalée ici).
Maintenant, voyez cette image :
Non seulement on voit une femme nue crucifiée dans
l’exacte position du Christ, mais encore cette femme est visiblement enceinte. Blasphème
extraordinairement choquant n’est-ce pas ?
Erreur ! Il
ne s’agit pas d’un blasphème, mais au contraire de la charge d’un parti
catholique contre les pro-avortements durant le débat sur l’IVG en Italie (1975)
3 – La
résurrection : voyez ce tableau de Rubens représentant le Christ
ressuscité sortant de son tombeau. Une puissante érection soulève son pagne et
là encore l’horreur du blasphème nous laisse sans voix.
Rubens, Résurrection
du Christ triomphant, vers. 1616.
Pourtant Rubens est non seulement un peintre admiré dans
toute l’Europe du 16ème – 17ème siècle, mais il était de
plus respecté de tous pour son rôle de diplomate. Il ne s’agit donc pas d’une transgression
mais d’une façon – assez courante à
l’époque – de représenter la vie revenue dans le corps du Christ (voir ici)
Concluons :
non seulement la transgression dépend du contexte sans le quelle elle n’a pas
de signification précise, mais encore, à la différence du blasphème qui est lié
au fait de proférer des mots interdits, la transgression suppose une intention
offensante pour les croyants.
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