Le cuculien, la
langue de lait, (…) est une sécrétion du cœur, qui va de pair avec celle du
sein.
Hervé Bazin – Le
Matrimoine,
[Parlez-vous le cuculien ?
Non ? Vous ne savez pas ce que c’est ? Je vais
vous aider.
« Définition
– cuculien /ky.ky.ljɛ̃/ Nom commun –
masculin singulier
- Néologisme forgé par Hervé Bazin en 1966, à partir de
cucu et du suffixe -ien, en son livre Le Matrimoine.
- Langage employé pour parler aux très jeunes enfants en
utilisant des onomatopées. »]
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Un commentaire, ça gâche parfois la lecture. C’est pourquoi, je veux aujourd’hui
m’effacer devant l’auteur de cette citation en vous restituant la savoureuse page
dont elle est extraite.
…Et puis, la Journée de la femme est passée. On peut se lâcher
maintenant.
« Nul n’y peut rien: un
petit hominien, par définition, ça parle.
Dans le cri, déjà, s'est entraînée
la glotte. Peu à peu, de derrière la luette nait la voyelle fondamentale: l'A
(Indiscutable: l'A est bien la première lettre de l'alphabet; le verbe avoir,
déjà, bat le verbe être). Puis la mère, chatouillant le ventriloque, qui rit,
qui bat des bras, lui soutire de vagues syllabes:
"A-reu, a-reu..."
Mariette n'y a pas manqué. Ah !
Ces séances de gratte-gésier! Impatiente de s'entendre nommer, oubliant qu'il y
a un temps pour tout, l'a-t-elle assez seriné, son marmot!
"C'est sa maman, ça, c'est sa maman... "
Deux mois de plus et elle l'a
eu enfin, son Mamm-mamm, plus tardivement suivi du Papp-papp qui m'est dû. A ce
stade le lexique s'enrichit chaque jour. Mais hélas! Le cuculien, la langue de
lait, fait des ravages. On connait l'idiome, dont certains mots (bébé, pipi,
bonbon...) sont passés en français majeur. Elevé par une mère intraitable sur
le chapitre (c'est un des détails qui permettent de classer les familles), je
pensais pouvoir m'en défendre. Mariette est bachelière. Mais la langue du lait
est une sécrétion du cœur, qui va de pair avec celle du sein. J'ai vainement
protesté:
"Tu ne peux pas lui parler
comme à tout le monde ?"
Mariette répond à chaque fois:
"Tu ne peux pas te mettre
à sa portée ? "
Résultat: si Nicolas
s'égratigne, Mariette dit en cuculien :
"L'a bobo à sa mimine, mon
coco ?" Et moi: "Tu as mal à la main ?"
Aucun rapport entre les deux
dialectes. Bien sûr, c'est moi qui ne suis pas compris. Je suis dix fois moins
présent; et tous les Guimarch renchérissent. A l'usage des moins de cinq ans
ils ne connaissent que bibi, caca, cucou, dada, didi, dodo, fanfan, joujou,
lolo, meumeu, mimi, panpan, popo, quéquette, tata, tonton, toto, teufteuf,
toutou, zentil, zoizeau...
J'enrage. Avant d'apprendre à
parler mon fils apprend à bégayer, à zozoter. Ainsi le veulent ces archidouces,
rêvant inconsciemment d'un royaume de Layette où l'enfant jamais ne parlerait
la langue des hommes. »
Mes remarques demain… si vous voulez bien.
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