Friday, March 29, 2013

Citation du 30 mars 2013



Les femmes de mon âge ont à s'accommoder d'un … mal qui n'est ni un mari manquant, ni les enfants qui s'éloignent… Non, c'est l'apprentissage de la transparence : jamais plus personne ne les regarde. Jamais ! C'est cela, la plus implacable des solitudes, la disparition des regards.
Yves Simon – La compagnie des femmes
Transparence II
Après l’humiliation de la transparence (hier), voici la solitude qui en résulte (aujourd’hui).
--> La transparence peut-être joyeuse quand elle est invisibilité choisie (voir l’anneau de Gygès évoqué hier), mais elle devient, quand elle est subie, la plus implacable des solitudes, celle qui résulte de la disparition des regards.
Ces regards qui disparaissent, ce sont les regards qui nous traversent sans nous voir, un peu comme dans l’ascenseur ou dans l’autobus, quand, confiné avec quelqu’un, notre regard l’effleure – voire même se pose sur lui – comme s’il était un objet de l’environnement.
Etre invisible même quand on est vu : voilà, comme nous l’avions suggéré hier, le traumatisme de la transparence. C’est ce que souligne l’exemple donné par Yves Simon : quoi de pire pour une femme que de lire dans l’indifférence des regards la preuve qu’elle n’est plus séduisante ? Ce qui permet de revisiter la thèse de Sartre : l’enfer, c’est les autres.  
Thèse : au lieu d’être une liberté qui jaillit et s’invente d’instant en instant, je suis figé dans l’apparence que saisit le regard d’autrui.
--> Dans la pièce de Sartre (Huis-clos), il y a trois personnages (Estelle, Inès et Garcin) : chacun apparait sous le regard des deux autres comme étant seulement un criminel : l’un est infanticide, l’autre est un lâche qui à la guerre a déserté les combats, le troisième est un assassin…. Chacun conteste cette identification, mais Sartre maintient que le regard qu’autrui porte sur lui le contraint à s’identifier à son apparence. 
Ce qui est infernal, en plus de cette contrainte, c’est l’impuissance à gouverner ce regard : Estelle voudrait bien que Garcin la regarde – mais qu’il la regarde comme une femme séduisante. Seulement voilà : Garcin ne s’intéresse pas à elle : pour lui, Estelle est, comme la femme mûre d’Yves Simon. Quand à Inès elle aussi voudrait séduire, mais c’est Estelle qu’elle veut – et donc ça ne marche pas non plus.
Il y a donc deux types de solitude de la transparence : l’une est une solitude sélective ; c’est parce que je me suis d’abord défini comme étant tel ou tel personnage (la femme séductrice) que je ne trouve personne pour me voir : on peut supposer que si je me définissais autrement, il y aurait des regards pour me chercher et me trouver. A moins que…
A moins que je ne me trouve absolument transparent, qu’il n’y ait nulle âme charitable pour me regarder comme un enfant de Dieu.

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