Pour être juste, c'est-à-dire pour avoir sa raison
d'être, la critique doit être partiale, passionnée, politique, c'est-à-dire
faite à un point de vue exclusif, mais au point de vue qui ouvre le plus
d'horizons.
Baudelaire
Avec l’ouverture du Festival de Cannes, nous allons être
envahis pendant 15 jours par les commentaires des critiques de cinéma :
c’est leur moment de gloire. Il faut dire qu’on ne risque pas de les
contredire, dans la mesure où les films dont ils parlent ne sont pas sortis en
salle au moment où ils en parlent.
Baudelaire qui ne connaissait certes pas les critiques de
cinéma, connaissait bien ceux qui sévissaient dans les théâtres ou dans les
milieux littéraires : il en parle de façon encore valable aujourd’hui.
J’avoue avoir du mal avec les critiques ; je leur
reproche souvent leur élitisme, quand on fustige un film pour avoir le démérite
d’entrer dans un genre – comédie italienne ; film policier ;
blockbuster hollywoodien, etc. – au lieu d’être une création d’auteur… Souvent aussi
cet élitisme consiste à juger la critique qu’on rédige comme ce qui doit
permettre de montrer le brillantissime esprit de son auteur ; à moins
qu’il s’agisse simplement de favoriser l’œuvre d’un ami ou de savonner la planche à un ennemi.
Bref : ces gens ne parlent pas objectivement du
film : comment pourrions-nous en tirer parti ?
Toutefois, Baudelaire nous met en garde : ne croyons
pas qu’on puisse en parler objectivement ; et même : à supposer qu’on
puisse le faire, on risque alors d’avoir à lire un simple rapport qui ne nous
permet en aucune façon de nous faire une opinion valable.
Qu’est-ce donc qu’une bonne critique ?
--> Il faut qu’elle soit faite à un point de vue exclusif, mais au point de vue qui ouvre
le plus d'horizons. Une critique est valable quand on devine ce qui nous
restera du film une fois que les lumières se seront rallumées dans la salle.
Quelle garantie avons-nous de tomber d’accord avec le
point de vue du critique ? Aucune, sauf à connaitre son point de vue habituel
et à savoir qu’il coïncide – ou pas – avec le nôtre.
François Chalais (critique de ciné, resté célèbre pour
ses interviews cannoises) déplorait que certains le considéraient comme un
critique tellement mauvais qu’ils choisissaient de voir les films qu’il avait
descendus. J’avoue que je faisais partie de ces gens-là.
Qu’importe qu’une boussole indique systématiquement le
sud plutôt que le nord ? Il suffit de le savoir.
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