Oh ! les premiers baisers à travers la voilette !
François Coppée (1)
Bonjour – Vous êtes encore là les jeunes ? Alors je
reprends mon étude du baiser.
Rappelez-vous : il s’agissait de savoir quel type de
baiser peut posséder ce pouvoir de transcender la caresse en produisant la fusion
immatérielle de deux âmes.
Coupant court aux scabreuses fantaisies qu’on a évoquées
hier, Maupassant cite François Coppée : le baiser dont nous parlons peut
fort bien être simplement un baiser donné à travers la voilette.
A travers la
voilette… Bizarre quand même : mes tentatives pour imaginer la scène
échouent totalement. Heureusement, Maupassant à une expérience de la chose qui
lui permet de voir et de sentir ce genre de baiser et, en nous ouvrant les
portes de son imagination, il nous montre comment ce baiser peut bien être
comme nous le disions hier « l’absolu de la caresse ».
Poursuivons donc la lecture entamée hier de Maupassant (c’est
toujours tante Collette qui parle) :
Réfléchis. Il fait
froid dehors. La jeune femme a marché vite, la voilette est toute mouillée par
son souffle refroidi. Des gouttelettes d'eau brillent dans les mailles de
dentelle noire. L'amant se précipite et colle ses lèvres ardentes à cette
vapeur de poumons liquéfiée. Le voile humide, qui déteint et porte la saveur
ignoble des colorations chimiques, pénètre dans la bouche du jeune homme,
mouille sa moustache. Il ne goûte nullement aux lèvres de la bien-aimée, il ne
goûte que la teinture de cette dentelle trempée d'haleine froide.
Et pourtant nous nous écrions toutes, comme
le poète :
Oh ! les premiers
baisers à travers la voilette !
La puissance érotique du premier baiser sublime tout –
même le dégout de la voilette imbibée de vapeur de poumons liquéfiée…
Bref : si on laisse de côté ce détail, alors on a le
tableau de Magritte, et on comprend pourquoi il représente un comble de
l’érotisme (2).
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(1) François Coppée… Que ceux qui confondraient encore le
poète de la fin du 19ème siècle et le fougueux politicien
d’aujourd’hui le sachent : la prochaine fois ils auront à recopier
quelques-uns de ses poèmes : punition sévère, mais juste.
Quant à savoir qui était François Coppée (1842-1908), je
me contenterai de reproduire cet extrait de sa biographie par l’Académie
française :
François Coppée a
prononcé le discours sur les prix de vertu le 16 novembre 1893. En 1898, il
entra dans la politique militante à l'occasion du procès célèbre
[de Dreyfus] ; il défendit par la plume et par la parole, avec une
généreuse ardeur, les institutions militaires, religieuses et sociales qui
étaient attaquées avec violence, et il fut l'un des fondateurs de la Ligue de
la Patrie Française dont on le nomma président d'honneur.
... Après tout, notre Jean-François est peut-être un descendant du poète ?
... Après tout, notre Jean-François est peut-être un descendant du poète ?
(2) Comme on le voit sur cette image, on aurait
éventuellement là un usage sensuel du niqab – sauf que l’érotisme exige des
trou-trous dans les vêtements.
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