Regards neufs, vieux trous de serrure.
Georg Christoph
Lichtenberg / Aphorismes
Les regards neufs se collent à des trous de serrures qui
ont déjà beaucoup servi à des voyeurs de
tout acabit.
Oui : et alors ?
Faut-il en conclure que rien de neuf n’arrive en ce bas
monde et que derrière la porte de la
salle de bains il y a toujours à peu près les mêmes c… à mater ? Ou bien que
seuls les petits enfants ont envie de regarder par les trous de serrures – leurs
ainés étant déjà trop blasés pour cela ?
- Sans doute, mais j’aimerais en tirer quelque chose de
plus constructif : c’est la curiosité qui nous mène sur les chemins du savoir, et si l’humanité a
progressé c’est bien parce que les hommes ont toujours eu envie de savoir ce
qu’on cherchait à leur cacher. N’oublions pas que le péché d’Adam est d’avoir
voulu savoir ce que le fait de mordre dans le fruit défendu de l’arbre de la
science lui apprendrait.
On me dira que s’il s’agit de voir – comme on le
suggérait plus haut – l’intimité de l’amie de maman qui fait sa toilette, on ne
risque pas de surprendre un spectacle toujours renouvelé. Soit. Mais dépassons
ces obsessions adolescentes.
Peut-être bien que les vieux trous de serrure cachent
quelque chose de toujours neuf ?
Ou bien que le secret que nous avons surpris se dérobe
à nous l’instant d’après et qu’il faut y
retourner voir ?
Car la serrure c’est aussi cette apparence qui nous cache
la réalité, et regarder par le trou ce cette serrure-là, c’est changer notre
regard, le convertir même pour que la vérité nous apparaisse.
On rapporte l’anecdote suivante : Galilée et
Tycho-Brahé se promènent dans la campagne au petit matin. Le soleil apparait à
l’horizon.
- Tiens, dit Tycho-Brahé, voilà le soleil qui monte dans
le ciel.
- Non répond Galilée. C’est l’horizon qui s’abaisse et
qui nous découvre le soleil.
Notre regard sur le soleil « levant » est
toujours naïf, et comme Tycho-Brahé nous avons besoin de quelqu’un qui nous
invite à regarder par le trou de la serrure pour voir cette réalité-là.
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