Quandiu stabit coliseus, stabit et Roma ; quando
cadet coliseus, cadet et Roma ; quando cadet Roma, cadet et mundus
("Tant que durera le Colosse, Rome durera ; quand le Colosse tombera,
Rome tombera ; quand Rome tombera, le monde tombera")
Bède le
Vénérable (672–735)
Le Colosse dont parle Bède le Vénérable n’est autre que
la statue gigantesque de Néron érigée à Rome, à l’emplacement actuel du Colisée,
et qui en signala l’entrée pendant de nombreux siècles.
Le Colosse est tombé, Rome est-elle tombée ? Oui,
mais elle s’est relevée – entre autre avec le Papauté qui l’englobera pour
longtemps dans l’Etat du Vatican.
Mais qu’importe ? Cette citation est une invitation
à penser le monde comme un grand corps doté d’une tête – un monde
« mondialisé » si j’ose dire. Et en effet, la « mondialisation » dont nous parlons
aujourd’hui est-elle si différente de ce qu’a été l’Empire romain durant de
nombreux siècles ?
- La mondialisation actuelle n’a ceci d’original que de
s’étendre jusqu’aux limites de la planète. Mais si on admet de la limiter aux
dimensions du monde qui était alors connu, il est évident que l’empire Romain a
été l’une des expériences de mondialisation la plus durable et la plus complète
(1). N’oublions pas l’empereur Hadrien faisant construire des murailles pour
empêcher les invasions en Ecosse et en Germanie : en dehors du monde
romain, tout n’était que barbarie et chaos.
- Voilà donc une autre différence : pour nous
aujourd’hui, les pays exotiques et lointains ne sont plus des pays barbares
peuplés de sauvages, mais des pays engagés comme nous le sommes – ou l’avons
été – dans la révolution industrielle et l’organisation libérale.
- Le Monde entier est engagé dans la même voie : le
développement économique. Comme du temps des romains, la même loi – qui n’est
plus celle de César mais celle qui dit : « Enrichissez-vous ! » -
doit s’appliquer partout, y compris dans ces pays neufs. Même pour les pires
délits, dès lors qu’ils sont financiers ou économiques, nous ne pouvons être
plus sévères pour eux que nous ne le sommes pour nous-mêmes.
On voit peut-être où je veux en venir : qui
sommes-nous pour donner des leçons aux capitalistes du Bengladesh qui ruinent
la santé de leurs ouvriers et méprisent leur vie? Les esclaves de notre
Code-Noir étaient des « meubles » ; les ouvriers bengalis sont
des outils qu’on jette quand ils sont usés ; et nos chômeurs ? Ils
sont quoi donc ?
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(1) On reproche aux européens d’oublier la Chine qui, à
l’époque romaine était sans doute plus puissante que l’Empire romain – mais qui,
quant à elle, n’avait pas tendance à s’étendre au-delà de ses frontières (il
est vrai qu’elle avait assez à faire à consolider les siennes).
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