Ce n’était qu’un début. Là où on brûle / des livres, on
finit par brûler des hommes.
Heinrich Heine – Almansor
(1821)
Dans la tragédie Almansor, parue en 1821, Heine
s'intéresse pour la première fois, de façon détaillée, à la culture islamique
en Andalousie mauresque, qu'il a célébrée, toujours et encore, et dont il a
déploré la disparition, dans de nombreux poèmes. (Wikipédia)
C’était l’époque où les musulmans ne se chargeaient pas
de brûler eux-mêmes leurs propres livres – ça va faire ricaner les
islamophobes : « Voilà toute la différence entre autrefois et
maintenant » diront-ils.
Laissons-les ricaner et intéressons-nous à cette étrange
pratique, attestée depuis longtemps, sous le nom d’autodafé, et repris dans le
film de Truffaut Fahrenheit 451.
Le feu est l’instrument d’un supplice, mais notons que
les romains qui ont martyrisé les premiers chrétiens ne les ont pas mis sur le
bûcher. Le feu a une autre fonction que la simple destruction : il est
purificateur. Il faut donc supposer que les livres que l’on brûle ont souillé
le monde, qu’ils l’ont pollué, et qu’ils ont profané jusqu’au sanctuaire de
notre âme avec les pensées impies (1).
Il ne suffisait donc pas de les tenir enfermés, comme
dans l’Enfer de la B.N.F. ?
S’il faut les brûler, c’est qu’on croit au pouvoir des
mots qu’ils contiennent, pouvoir magique puisque leur simple trace sur le
papier agit comme une figure cabalistique.
On comprend donc que les autodafés de livres sont œuvre
de censeurs gothiques, enfoncés dans l’obscurité de leur moyen-âge.
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(1) A noter que bien sûr on ne brûle pas que les
livres : il y a aussi les œuvres d’art que l’on brûle ou du moins que l’on
détruit.
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