Proverbe auvergnat
DÉCRIER – Verbe transitif.
Détruire par des paroles le crédit de quelqu'un, de
quelque chose.
Trésor de la langue
française
Après la pensée qui hier n’existait qu’à condition de se contre-penser,
voici aujourd’hui le cri qui décrie.
Crier est-il un aveu de faiblesse ? Certains diront
qu’au contraire c’est l’affirmation – la « sur-affirmation » – de la
certitude où nous sommes de dire la vérité. Crier est alors un engagement total
dans les mots qui portent notre pensée, nous crions pour la porter plus vite,
plus haut, plus fort. (1)
Que faut-il donc en penser ? Dans le schéma de la
communication selon Jacobson (ci-dessous) :
le cri fait partie de la fonction expressive, liée au « destinateur » - à
savoir : celui qui parle.
La fonction expressive permet de faire connaitre et donc
de transmettre – ce qui en fait un élément du message – quel est l’état
émotionnel de celui qui parle. En général, cette fonction est assumée par le
ton de la voix, sa vibration etc. Jakobson donne pour exemple d'utilisation de
la fonction expressive la répétition, quarante fois, de Segodnja večerom (« ce soir », en russe) par un acteur qui passait
son audition chez Stanislavski. Chaque fois cet acteur devait varier
l'intonation de « ce soir » selon une situation bien précise, imposée
par Stanislavski (Wikipédia ici) (2)
Le cri apporte donc une information concernant non le
contenu du message (fonction poétique),
mais le locuteur. Et donc le cri signifie que celui-ci est affecté d’une
certaine émotion ou passion au moment même où il parle. Laissant de côté le cas
où cette émotion n’a rien à voir avec le message, on suppose que si cette
émotion portée par notre cri vient altérer son contenu, c’est qu’elle laisse
transparaitre la passion au moment même où le parfait sang-froid est requis.
Mais il y a aussi autre chose : le cri une
expression de notre partie animale : c’est comme les animaux que nous crions.
Le cri peut donc aller jusqu’à priver notre message de sa signification
humaine.
Si donc crier, c’est se décrier, c’est parce que nous perdons alors notre
statut de locuteur humain, pour prendre le mode d’expression de la bête.
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(1) On aura reconnu la devise olympique
(2) Procédé repris par un vieux film avec Fernandel, le Schpountz, où l’acteur fait ainsi varier
l’expression « Tout condamné à mort
aura la tête tranchée ») – si vous ne connaissez pas, c’est à voir ab-so-lu-ment : ici.
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