Je suis un
homme mort. Je ribote avec l'eau de fleurs d'oranger, je me fous des bosses de
pilules, je me fais socratiser par la seringue.
Flaubert – Correspondance, 1844
Un
médicament, pilule ou anticoagulant, c'est toujours une substance qui a des
effets négatifs.
Gérard Bapt (1)
-->Mot du jour : Socratiser – (ant. grecque et DAF de
Sade) 1. Action de sodomiser dans un but d'éducation à la virilité; 2. (fig.
soutenu), emporter la conviction finale lors d'un débat de tous types. (Cité
ici)
1 – On dit
parfois que la gloire pour un homme, c’est de laisser son nom à titre de nom
commun dans la langue courante. Ainsi de Platon et de l’amour platonique, ainsi
de Socrate et du verbe socratiser.
Seulement
voilà : il arrive que des gens un peu sans-gêne s’emparent de ce nom et en
transforment le sens sans que personne ne se lève pour protester. Et là on
s’étonne que le nom de Socrate, qui désignait précédemment une méthode
dialectique particulière, se soit vu assigné à une pratique sexuelle fort décriée,
déjà au 18ème siècle comme péché mortel conduisant en enfer les
sodomites, et aujourd’hui encore avec le débat sur les mariages-que-vous-savez
(2). On en arrive à se dire comme Brassens que les trompettes de la renommée sont fort mal embouchées.
2 – Venons-en
au fonds : Flaubert s’estime promis à une mort prochaine du fait de tous
les traitements qu’il absorbe. Sans savoir exactement quelle est l’affection
dont il souffre (3) on comprend que son propos soit le suivant : si vous
êtes malade, comptez sur la médecine pour vous achever. Certes ce n’est pas
l’eau de fleur d’oranger, ni les pilules, ni sans doute la seringue dans les
fesses (s’agit-il d’un clystère ?) qui peuvent tuer un homme. Mais…
Mais on se dit
que les progrès de la médecine, en donnant toujours plus de pouvoir de soigner,
lui ont aussi donné toujours plus de pouvoir de tuer. On se sait que le Mediator a été remboursé par la Sécurité
sociale comme médicament avant d’être mis au rang des substances vénéneuses. On
lit aussi (notre citation) que tout médicament est aussi un poison et qu’il y a
toujours, pour chaque remède médicamenteux, une dose létale.
Certes, on ne
va pas mettre à la poubelle notre armoire à pharmacie. Mais on va peut-être
lire la notice qui est dans les boites, en particuliers à la rubrique
« Effets indésirables », même s’il faut prendre une loupe pour y
arriver.
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(1)
Gérard Bapt est député PS de Toulouse, médecin-cardiologue, membre du conseil
d'administration de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des
produits de santé – Cité ici
(2) Je laisse
de côté l’emploi de la sodomie en tant pratique éducative, car si c’était le sens
chez Platon (cf. le Banquet) ça ne l’était évidemment pas chez Sade.
(3) En 1844 il
souffrait déjà des crises nerveuses (épilepsie ?) qui l’ont contraint à
abandonner ses études.
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