Monday, June 17, 2013

Citation du 18 juin 2013



Les filles de Lesbos dorment entrelacées,  / Comme deux jeunes fleurs sur un même rameau ; / Elles dorment ! Leur sein éblouissant et beau, / Se gonfle au souvenir de leurs folles pensées. / D’un mutuel amour leurs lèvres caressées / Semblent prêtes encor pour un baiser nouveau…
Henri Cantel – Les tribades (1859)

Courbet – Le sommeil (1866)
Nous allons voir dans une exposition particulière (…) les deux tribades de Courbet (...). Ici, dans les tribades, deux corps terreux, sales, breneux, noués dans le mouvement le plus disgracieux et le plus calomniateur de la volupté de la femme au lit…
Edmond et Jules Goncourt – Journal 31 décembre 1867

Je n’ai jamais compris la critique haineuse des Goncourt à l’égard de ce tableau, à moins que cette haine n’ait visé Courbet lui-même, puisque ses idées politiques étaient sans doute bien connues – bien avant son implication dans la Commune de Paris (1).
Toutefois, j’imagine que cette critique est représentative de toutes celles qui ont accueillies le Déjeuner sur l’Herbe de Manet (1862), imprudemment destiné à l’exposition publique alors que le Sommeil n’était visible que dans l’exposition privée qu’en faisait son commanditaire (2).
Reprenons : là où les critiques positives louent la carnation des peaux de ces deux femmes, les Goncourt voient une chair sale, terreuse, breneuse (= merdeuse). Là où Henri Cantel (notre citation) voit une posture qui met en valeur des corps magnifiques, ces mêmes Goncourt voient une « calomnie » de la volupté féminine.
Alors, là, permettez qu’on ironise un peu. Sans doute est-il plus flatteur pour une femme de jouir sous un homme qui l’a saoulée pour pouvoir la posséder de toutes les façons possibles ? Parce que, en matière de débauche, les Goncourt ne faisaient pas de la dentelle : c’est ce qu’ils racontent eux-mêmes dans leur Journal.
Il reste quand même quelque chose : c’est que ce tableau produit un véritable choc quand on le voit pour première fois : le contraste entre l’innocence du sommeil et l’attitude des corps – érotique  sans aucune équivoque ; plus la taille du tableau (135x200, c’est-à-dire que les corps sont en taille réelle) : ça tape sur la libido.
Après tout, c’est peut-être ça qui énervait Goncourt.
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(1) Rappelons qu’en mai 1871, réveillé en pleine nuit par le bruit du canon des versaillais, Edmond de Goncourt s’écrie : « Dieu merci ! La guerre civile commence ! »
(2) Le collectionneur pour qui Courbet a peint ce tableau est Khalil-Bey, diplomate turc en résidence à Paris, pour qui il avait déjà peint l’Origine du monde et Ingres peint le bain Turc (terminé en1859 : les Goncourt en parlent également dans ce paragraphe).

1 comment:

FRANKIE PAIN said...

je ne connaissais pas ce tableau de Courbet
grâce à vous on voit la subjectivité de la critique

et nous apprenons des détails sur le vie et les meurses de ces goncourt
bonne journée
captaine philosophe
je vous embrasse