Les gens réfléchissent trop à ce qu'ils doivent faire et
trop peu à ce qu'ils doivent être.
Maître Eckhart
1 – Il y a deux morales impliquées par cette
citation :
- La morale du devoir en vers les autres : quelles
sont mes obligations, relativement aux autres, et en particulier que dois-je
faire pour être un agent moral.
- La morale du devoir en vers moi-même : jusqu’où
puis-je élever mon être, et comment devenir digne d’accomplir le souverain
Bien.
De fait, on devine que ces deux morales se bouclent sur
elles-mêmes : quel sujet moral
dois-je devenir pour être l’agent
moral que je devrais être ? Et donc, pour être digne de faire ce qui est
requis afin d’aider mon prochain, je devrais d’abord m’élever moralement
moi-même – un peu comme les bénévoles d’ATD-Quart Monde sont
presqu’obligatoirement des gens qui ont l’expérience intime de la misère pour
pouvoir la secourir.
2 – Mais cette citation de Maitre Eckhart nous renvoie
aussi à un étonnement suscité par la devise socratique : Connais-toi toi-même.
La belle affaire ! Quand je saurais que je suis un
fripon, un vicieux, imbécile etc. je pourrais me trouver satisfait :
- Oui, je ne suis pas grand-chose, mais Socrate ne me
demande pas de m’aventurer au-delà de mes limites, mais seulement de savoir où
elles passent !
Mais quiconque a lu un seul dialogue de Platon sait que
c’est tout le contraire : ce que Socrate nous demande, c’est d’interroger
la science, et la justice, et le pouvoir politique, pour savoir comment tout
cela peut rendre meilleur le pédagogue, le citoyen, l’homme.
Savoir ce que je suis ce n’est pas une fin en soi :
c’est plutôt un moyen pour établir le programme d’une vie morale adaptée à ma
réalité.
Alors, la devise de Socrate n’aurait été qu’un « teaser » pour captiver notre
attention et nous pousser à entrer sur le chemin de la vertu ? Pourquoi
pas ? En tout cas si ce n’était que cela, on pourrait dire qu’il n’a pas
si mal réussi son affaire.
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