L'idéal des architectes est parfois singulier ; l'architecte de la rue de Rivoli a eu pour idéal la trajectoire d'un boulet de canon.
Victor Hugo –
Quatre-vingt-treize
Le Paris d’Haussmann aurait été dessiné en vue des
opérations de « maintien de l’ordre » : charges de cavalerie
pour les uns, trajectoire du boulet de canon selon d’autres. Il faut dire que
Napoléon III, l’homme du 2 décembre, savait ce qu’il fallait faire pour mater
une révolte populaire.
Bref, l’idée reste la même : c’est le pouvoir qui
est le premier urbaniste du monde.
Dès la préhistoire, dès que les villes naquirent,
n’est-ce pas la répartition des quartiers selon les classes sociales,
regroupant d’un côté les artisans, de l’autre les dignitaires du régime, qui
s’imposa ? Si les villes sont des lieux d’affrontement, n’est-ce pas parce
qu’elles portent la trace des ruptures sociales ?
Curieusement, pour diminuer les affrontements, on n’a pas
essayé de supprimer la rupture (grâce à ce qu’on appelle la « mixité
sociale ») mais c’est la sécurisation des frontières qui a prévalu. Dès le
moyen-âge, on a eu recours à un renforcement de ces exclusions avec les
ghettos, quartiers réservés aux juifs dans lesquels on les enfermait la nuit.
Ici, point de charge de cavalerie, point de canonnade, mais une stricte
séparation avec un mur autour.
C’est bien sûr la « solution » qui est toujours
utilisée aujourd’hui, bien que ce soient souvent les quartiers riches qu’on
isole et qu’on entoure de remparts. De même, les « quartiers
sensibles » (admirez la litote !) sont des lieux séparés du reste de
la ville, parfois par une voie ferrée, ou une autoroute, parfois par une
dénivellation (comme à Nancy avec les Hauts-du-lièvre, quartier qui domine la
ville un peu comme une Favela)
Nancy – Quartier des Hauts du Lièvre
Le problème dans ce cas tient aux facilités de se
déplacer en ville qui est offerte aux exclus de ces nouveaux ghettos. Dans une
ville où on construisait un Tramway, réduisant pour les voitures les facilités
de stationner en centre-ville, mais désenclavant les « Quartiers défavorisés»,
les commerçants de ce centre-ville bougonnaient : on empêchait les
éventuels clients de s’arrêter chez eux, mais on facilitait la venue de la
racaille.
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