Les compartiments non-fumeurs sont toujours moins garnis que les autres: un ascétisme même inférieur procure de l'espace aux hommes. Lorsque nous vivons en saints, l'infini nous tient compagnie.
Ernst Jünger –
Jardins et routes (1942)
Lorsque nous vivons
en saints, l'infini nous tient compagnie… Quelle belle formule !
Admettez qu’elle est un peu gâchée par l’exemple qui lui sert d’illustration,
mais je n’ai pas voulu l’en isoler : l’important est de comprendre que la
solitude de l’ascète commence très tôt – ou très bas. Là où nos contemporains
répugnent d’aller, là est le lieu où se situe l’infini des saints.
Remarquons d’abord que cette solitude est secondaire,
qu’elle est un effet latéral de l’ascétisme : la foule ne se bouscule que
pour la jouissance, elle fuit les privations. Mais remarquons également que
l’ascétisme n’est jamais qu’un moyen pour entrer dans cet infini de la
spiritualité. C’est lui qui va nous intéresser ici.
- Quel est donc l’infini qui tient compagnie aux
saints ? La réponse est évidente : c’est l’infini divin.
Et donc on en tire la conséquence : c’est dans la
solitude que le saint entre en tête à tête avec Dieu. Le profane s’impose dans
la foule – que dis-je ! même pas dans la foule : dans le tête-à-tête
avec l’autre-qui-n’est-pas-Dieu. On peut d’ailleurs le vérifier dans l’histoire
sainte : c’est dans le désert que les premiers moines ont rencontré
Dieu : c’est pour cela qu’ils se sont faits ermites.
Oui, mais voilà : il y a sans doute plusieurs façons
de rencontrer Dieu et beaucoup ont voulu le rencontrer dans leur prochain. Ils
se sont sanctifiés en aidant les plus pauvres, voire même en soignant les
pestiférés.
Mais plus original : saint François d’Assise a su
retrouver Dieu au contact les oiseaux du ciel – ainsi Giotto nous le montre prêchant aux oiseaux.
N.B. Non, Saint François ne donne pas de graines aux
pigeons : il leur parle. Que leur dit-il ? Pour le savoir, le mieux
est encore d’écouter Liszt.
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