Jadis, le passé était voué à éclairer l’avenir en fournissant des exempla. La Révolution aurait au contraire cherché dans l’avenir la signification rétrospective de l’Histoire en fixant à celle-ci une finalité. Et notre temps a sombré dans le « présentisme » : le règne d’un présent tout puissant sans perspective d’avenir clairement définissable.
Jean-Noël Jeanneney
– La Grande Guerre, si loin, si proche
Commentaire 2
- Seul l’avenir peut donner du
sens au présent et au passé.
Nous voici aujourd’hui en présence d’une conception révolutionnaire de
l’histoire : tout ce qui s’est passé dans le passé, et tout ce que nous
faisons dans le présent n’a de sens que rapporté à un avenir qui doit advenir –
inéluctablement.
Cette conception du temps est celle qui fait le plus frémir : que d’horreurs n’a-t-on
pas commises pour qu’advienne cet « avenir radieux » ? Ceux qui
les commettent estiment en effet que les crimes les plus abominables ne sont
abominables que rapportés à un présent qui ne peut suffire à en délivrer le
sens : rapportés à l’avenir, ils deviennent des actes vertueux et
louables, puisque nécessaires à cette épiphanie.
Epiphanie : on l’aura
compris, cette conception de l’avenir est strictement religieuse, et les actes
fanatiques qui ensanglantent nos faits divers en cherchant à débarrasser le
monde des infidèles, prouvent qu’aujourd’hui même rien n’a vraiment changé
depuis les lointaines périodes moyenâgeuses.
- On objectera que rien, pas même le moindre projet de vacances ne peut
avoir de réalité s’il n’influe pas sur le présent : il nous faut sortir
des limites de l’instant – en sortir « vers l’avant ». Alors, comment
aurait-on le droit de condamner ceux qui, animés du plus haut projet qui soit (accomplir
la volonté de Dieu sur terre (1)), commettent des actes à la hauteur de cet
espoir ?
Le fanatisme consiste à parier que rien du monde dans
lequel on vit actuellement ne doit survivre dans l’avenir : il faut tout
détruire, car rien ne sera sauvé.
Tel est l’esprit révolutionnaire. Le réformisme par
contre estime que l’avenir doit être une transformation du présent. Qu’on doit
donc, par un va et vient présent/avenir évaluer non seulement les conséquences
de nos actes pour transformer le monde, mais aussi pour le conserver au moins tant
que l’avenir n’est pas réalisé.
Et tant pis s’il est moins « radieux ».
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(1) Version laïque : réaliser l’essence de l’Homme.
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