Bertrand Cantat –
Chanson
Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder fixement.
La Rochefoucauld –
Maxime 26
Regarder droit dans
le soleil… Quand on écoute cette chanson de Bertrand Cantat, on se dit que
ce qui importe, ce n’est pas ce qu’il dit, mais ce qu’il ne dit pas – mais
qu’il donne à penser.
Dans cette chanson, Bertrand Cantat évoque à mots
couverts ses malheurs (1) : il y parle de ses amour – revenus en poussière ; de la scène – où il retourne toujours ; de la punition qu’il a payée intégralement… (Voir les paroles de la chanson ici).
Mais toujours il regarde droit dans le
soleil, pour se purifier, pour se vivifier : Tout se dissout dans la lumière.
Du coup on sursaute : La Rochefoucauld soulignait
l’impossibilité de regarder fixement le soleil : de même qu’on ne sait pas
ce qu’est véritablement la mort (2) ; de même nous ignorons tout de la vie
en tant qu’elle est cette source jaillissante qui parfois vient à s’épuiser en
nous (3).
Alors, comment Cantat peut-il affirmer qu’il a eu, lui,
cette expérience ? Jouant avec l’analogie tracée par Le Rochefoucauld, il
faut qu’il ait contemplé la mort, qu’il ait été en tête à tête avec elle et
qu’il en soit revenu. On rappellera que chez Dostoïevski, c’est précisément le
bagne qui est qualifié de « maison
des morts ». Sans pousser la comparaison, on supposera que Bertrand
Cantat a rencontré cette mort-là quand il était en prison, et que c’est en lui
survivant qu’il a pu contempler le soleil – soleil qui, justement, luit
seulement pour les hommes libres, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas à
« l’ombre »
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(1) Il évoque ses malheurs, mais pas ceux des gens qui l’ont
environné – et surtout pas le suicide de sa malheureuse épouse. C’est ce
suicide-là que personne ne lui pardonne, et que pourtant je passerai ici sous
silence : peut-on faire autrement quand on veut parler du Bertrand Cantat
chanteur ? Comment peut-on encore chanter quand on recèle de telles
ténèbres dans son âme ?
(2) Nous savons peut-être ce que c’est que mourir mais
certes pas ce que c’est qu’être mort.
(3) C’est l’argument des spiritualistes : mon
existence m’est venue d’ailleurs, car sinon, si je me la donnerais à moi-même,
et c’est alors que je pourrais en contrôler le
jaillissement, voire même la prolonger indéfiniment. Ce qui m’est – sauf miracle – impossible.
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