Parmi les cinq sens, la vue, l'ouïe et l'odorat
connaissent moins d'interdits que le toucher et le goût.
Léonard De Vinci
Classer les cinq sens selon les interdits qui les
frappent, voilà une option intéressante.
J’en étais resté à Hegel qui dans son Esthétique classe les sens en fonction
de leur spiritualité : les plus dématérialisés sont les plus
« spirituels » – et donc la
vue et l’ouïe, qui n’impliquent pas la présence d’une réalité matérielle agissant
au contact de nos organes sensoriels, viennent en premier dans cette liste. Et
j’en concluais que Hegel avait pressenti notre virtualité numérique :
l’image et le son sont les deux seules perceptions que nous pouvons reproduire
et retransmettre à volonté.
Leonard nous propose donc une autre classification, qui
ajoute l’odorat à la vue et à l’ouïe comme étant moins censurés que le toucher
et le goût. Pourquoi ?
- Selon toute probabilité, il s’agit du contact entre
l’organe perceptif et l’origine productrice de la sensation. Il y a celles qu’on
perçoit « à distance », et d’autres qui ne fonctionnent qu’« au
contact ». Autrement dit, même s’il reste défendu de regarder, d’écouter
et de flairer, c’est moins défendu que de tripoter ou de lécher : on peut
supposer que le tabou qui s’ajoute à celui de la perception est celui du
contact avec le corps.
--> Le tabou du contact du corps est sans doute un
tabou lié à la pudeur : on dit que Laennec a inventé le stéthoscope dans
ce but, en particulier lorsque voulant ausculter de jeunes femmes, l’oreille
collée à leur poitrine prêtait à confusion.
L’artiste est d’abord celui qui, comme le suggère Léonard,
œuvre pour les yeux et pour les oreilles ; il peut aussi – on y pense
moins –être celui qui agence des parfums ou plus simplement des bouquets de
fleurs odorantes.
Aujourd’hui, on accepterait peut-être de classer parmi
les artistes des chefs cuisiniers. Mais personne ne prétendra faire une œuvre
d’art qui ne se percevrait que par le toucher – une œuvre d’art plastique dont
pourraient profiter les aveugles.
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