On s'étonne du
succès de la médiocrité ; on a tort. La médiocrité n'est pas forte par ce
qu'elle est en elle-même, mais par les médiocrités qu'elle représente ; et dans
ce sens sa puissance est formidable. Plus l'homme au pouvoir est petit, plus il
convient à toutes les petitesses.
Chateaubriand – Pensées, réflexions et maximes
II –
Médiocrité et démocratie
Chateaubriand
n’est pas réputé pour avoir de son temps soutenu la république ni la
démocratie. Mais son jugement politique a été si souvent pertinent qu’on ne
peut passer à côté de sa remarque : dans les démocraties, la médiocrité
des dirigeants est une condition du succès politique, car c’est comme ça qu’ils
peuvent refléter l’inévitable médiocrité des électeurs.
En effet, la
majorité est médiocre en ce sens qu’elle est nécessairement moyenne (1),
qu’elle n’est jamais exceptionnelle, ainsi que le montre la distribution
« en cloche », dite aussi courbe de Gauss :
Résumons : si nous
vivons dans une véritable démocratie, alors nous avons nécessairement élu un
chef d’Etat médiocre, comme la majorité des électeurs. Petit par la taille au
point de devoir porter des talonnettes ; petit par sa pusillanimité, au
point d’être comparé à un dessert lacté, gélifié et tremblotant.
Facile… Trop
facile ! Chateaubriand n’avait pas l’expérience de la démocratie et il
avait de surcroit des préjugés monarchistes.
1 – Il ne savait sans doute pas que, dans les démocraties, les plus forts ont
l’habitude, pour se faire élire, de prendre le masque du gentil et du médiocre,
un peu comme le Grand Méchant Loup qui se dissimule sous la peau de mouton.
2 – Et surtout, il ignore (ce que pourtant il aurait dû savoir, lui qui vécut
dans toute son intensité l’épopée napoléonienne) que le peuple cherche un chef
à admirer. Le peuple est comme le petit enfant qui admire son père
protecteur : il cherche un homme dont la force (on dirait
aujourd’hui : le charisme) lui garantit qu’il saura le protéger des menaces
du monde extérieur.
C’est parce
qu’il est médiocre que le peuple veut élire un chef fort : c’est la leçon
qu’ont bien comprises les partis populistes.
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(1) Nous
prenons bien entendu le terme médiocrité au sens de ce qui est moyen
(cf Post du 17 octobre 2013)
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