Friday, January 17, 2014

Citation du 18 janvier 2014


L'histoire est un roman qui a été ; le roman est de l'histoire qui aurait pu être.
Edmond de Goncourt et Jules de Goncourt – Journal des Goncourt, 24 novembre 1861

« le roman est de l'histoire qui aurait pu être » : après l’histoire qui est un roman (voir Post d’hier), voici le roman qui est de l’histoire.
Cela nous pouvons le contester tant que nous voulons. Mais n’oublions pas l’essentiel : les Goncourt nous livrent ici la clé de leur œuvre.
La thèse qui se précise ici est qu’entre le récit romanesque et le récit historique, il n’y a d’autre différence que celle du réel. Et il semble que pour les Goncourt, cette différence soit bien mince - à une condition essentielle toutefois : que l’histoire qu’ils racontent, à défaut d'être réellement arrivée, aurait pu arriver, et que seuls des aléas sans consistance l’en aient empêchée.
Reste que, plutôt que d’inventer la réalité, ils ont dans la mesure du possible cherché leur inspiration dans la réalité observable, quitte à la réécrire pour satisfaire à leurs besoins esthétiques.
C’est que le réel doit subir cette transformation pour devenir roman – c’est-à-dire une œuvre d’art. Qu’on lise leur roman encore célèbre aujourd’hui : Germinie Lacertueux. Voilà une pauvre fille dont l’histoire, relatée dans un rapport de gendarmerie ferait presque sourire tant elle ressemble aux mélos de la Veillée des chaumières. En fait Germinie Lacertueux leur fut inspirée par leur servante, dont ils découvrirent l’histoire après sa mort : elle fut fille-mère et elle mena une double vie pour élever clandestinement son enfant allant jusqu’à voler ses patrons pour subvenir aux besoins du petit.
- Maintenant, voyons ce qu’en ont fait les Goncourt. Germinie, au travers de son abjection apparait comme une sainte qui a choisi la honte comme on choisit le martyr. Ça, c’est pour le réalisme. Le réalisme – et c’est tout ! Quant au  roman, nous constatons qu’il n’y a nul message politique, nul « J’accuse ! » à décrypter. D’ailleurs il n’est pour s’en persuader qu’à lire ce que les Goncourt pensaient du peuple dans leur Journal (et ici)

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