Par chance, il [= mon père] est mort en bas âge ; j’ai laissé derrière moi un jeune mort qui n’eut pas le temps d’être mon père et qui pourrait être, aujourd’hui, mon fils. … je souscris volontiers au verdict d’un éminent psychanalyste : je n’ai pas de Sur-moi.
Jean-Paul Sartre –
Les Mots (Citation complète ici)
(Suite du Post du 7-01-2014)
Si l’on veut bien se reporter au texte (référence
ci-dessus), on comprend plusieurs choses :
-
D’abord que les Pères ne sont pas responsables de l’abus d’autorité dont ils
font preuve : ils ne font qu’endosser le rôle qui leur est prescrit.
- En
suite que cette mort précoce qui fit du petit Jean-Paul un orphelin le
débarrassa de cet encombrant sur-moi
qui châtie bien plus souvent qu’il ne récompense (1).
Vrai ou faux ? Qui le dira ? En tout cas je
suppose que Sartre est de bonne foi et qu’au minimum son affirmation signifie
qu’il ne connait pas le sentiment de culpabilité.
Imaginez un peu : vous êtes petit garçon – ou
fille ; vous avez 8 ans (ou plus) ; votre papa vous découvre les
doigts dans le pot de confiture (ou dans tout ce que vous voudrez) : sa
colère est jupitérienne et vous sentez que sa foudre va vous tomber dessus. Il
se peut d’ailleurs que ce soit votre maman, dont la colère anticipe sur celle
de votre géniteur : « Tu vas voir ce qu’il va dire, Papa, quand il va
rentrer ce soir et qu'il apprendra ce que tu as fait ! »
- Et pendant ce temps-là, vous attendez que ça se passe
et vous comptez mentalement les minutes et les secondes : – Pas bientôt
fini ? Point de sentiment de culpabilité, aucune contrition.
… Il se peut que mon exemple vous paraisse infantile et
insignifiant. Mais songez aussi aux reproches que vous font ceux que vous
aimez. Votre épouse si elle découvre que vous l’avez trompée ; votre
petite amie si vous avez oublié un rendez-vous ; et vous-même si vous
n’arrivez pas à tenir les bonnes résolutions que vous venez de prendre pour le
jour de l’an.
Toutefois, même dans ce cas il se peut que vous ne vous
sentiez pas vraiment concerné. Je ne dis pas que vous rejetiez dans tous ces
cas votre responsabilité ; ni même que vous ne vous reprochiez pas un tas
de choses. Mais ce sentiment de honte et de culpabilité, celui qui vous
obligera à vous trainer à genoux pour obtenir votre pardon parce que sans cela
c’est trop douloureux à vivre : absent ! Inexistant !
La question de savoir si ce sentiment moral est une
simple conséquence de la psychologie de l’enfance est posée. Je ne la résoudrai
pas ; je remarque simplement que selon mes observations, les femmes en
sont d’avantage affligées que les
hommes. Et qu’on ne les a probablement pas éduquées comme les garçons.
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(1) Le surmoi est cet élément de notre personnalité qui
refoule nos pulsions en fonction de normes héritées de notre éducation parentale,
morale, sociale. Voir définition développée ici
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