Que faire le
dimanche ? Casto est ouvert,
mais ça ne vous dit rien. La bagatelle ? Oui, mais vous êtes bien
fatigué(e). Reste la picole. Surtout si vous êtes déjà retraité(e).
o-o-o
Revenons à nos bouteilles […] c’est quasi le dernier
plaisir que le cours des ans nous dérobe. La chaleur naturelle, disent les bons
compagnons, se prend premièrement aux pieds : celle-là touche l’enfance. De-là
elle monte à la moyenne région, où elle se plante long temps, et y produit,
selon moi, les seuls vrais plaisirs de la vie corporelle ; les autres
voluptés dorment au prix. Sur la fin, à la mode d’une vapeur qui va montant et
s’exhalant, elle arrive au gosier, où elle fait sa dernière pose.
Montaigne. De l’ivrognerie
– Essais II, ch. 2
- Thèse :
n’empêchez pas les vieux de picoler, car c’est le dernier plaisir qui leur
reste.
- Démonstration :
La volupté commence avec les pieds et finit dans le
gosier.
L’enfance a les pieds chauds, ce qui est le signe d’une
bonne volupté.
Puis elle migre en remontant dans le corps jusqu’au
ventre – au bas-ventre : on a compris.
Enfin, l’âge venant, elle monte encore pour finir par
s’incruster dans le gosier. Après les jouissances de l’amour, le vieillard n’a plus que celles de
la picole.
- Conséquence :
Vous tous, vieillards qui me lisez, croyez-en Montaigne.
Inutile de chercher encore à jouir des femmes. Vous ne trouveriez que déception
et nostalgie : l’amour n’est plus pour vous ce qu’il était – il faut en
prendre on parti.
Par contre vous pouvez encore déboucher une bonne
bouteille et la boire en ne pensant plus à rien – qu’à la chaleur de votre
gosier.
C’est Montaigne le bordelais qui vous le dit :
croyez-le – le vin il sait ce que c’est.
- Source :
Mais prudent quant à ses sources il se place sous
l’autorité de Platon. Voici ce qu’il écrit dans les lignes qui suivent cette
citation :
« Platon
défend aux enfants de boire vin avant dix-huit ans, et avant quarante de
s’enivrer. Mais à ceux qui ont passé les quarante, il pardonne de s’y plaire,
et de mêler un peu largement en leurs banquets l’influence de Dionysos : ce bon Dieu, qui redonne aux hommes la
gaieté, et la jeunesse aux vieillards, qui adoucit et amollit les passions de
l’âme, comme le fer s’amollit par le feu, et en ses Lois, trouve telles
assemblées à boire (pourvue qu’il y ait un chef de bande, à les contenir et
régler) utiles : l’ivresse étant une bonne épreuve et certaine de la nature
d’un chacun : et en même temps propre à donner aux personnes d’âge le courage
de s’ébaudir en danses, et en la musique : choses utiles, et qu’ils n’osent
entreprendre en sens rassis. Que le vin est capable de fournir à l’âme de la tempérance,
au corps de la santé. » (Texte légèrement modifié)
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