[…] le prénom est la clé de la personne. C'est le
cliquetis délicat de sa serrure quand on veut ouvrir sa porte. C'est la musique
métallique qui rend le don possible.
Amélie Nothomb – Acide
sulfurique
Prénom III
Certains objecteront à Amélie Nothomb que, si sa remarque
est valable en Europe, elle ne l’est pas du tout aux Etats-Unis où il est
d’usage d’appeler dès la première rencontre chacun par son prénom – voire même
par son diminutif.
Mais l’idée reste quand même valable : il y a
quelque chose qui sert de serrure pour ouvrir la porte de notre intimité. Et
même je dirai qu’il est essentiel qu’un tel dispositif (je veux dire : une
serrure et une clef) soit disponible pour atteindre notre intimité – et
qu’importe après que ce soit le prénom qui constitue cette clé ou n’importe
quoi d’autre (comme le passage du vouvoiement au tutoiement)
Il faut que mon intimité soit en retrait (derrière la
porte) mais qu’elle soit accessible – ou plutôt que je puisse (comme le dit notre
citation) en faire le don : et
pour cela quoi de plus simple que l’usage du prénom. Mais un usage constituant
un privilège :
- Appelez-moi James, dit l’Agent 007 à sa nouvelle
conquête.
D’où aussi l’usage des diminutifs affectueux : là où
le prénom est usé par l’habitude ou le trop grand nombre d’usagers, alors il
faut recourir à l’hypocoristique (1). Mais attention : il y a des niveaux
d’intimité variable dans ces termes. Que j’appelle ma femme Mado au lieu de Madeleine, ça passe un
peu partout dès lors qu’on est dans un cercle amical. Si je la nomme « ma poulette », ça passe encore mais
cette fois dans un cercle un peu plus restreint. Mais que je l’appelle « mon sucre d’orge d’amour »,
là c’est une intimité qui ne devrait se dévoiler que sur l’oreiller.
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(1) Hypocoristique
(mot du jour) – « Hypocoristique est un adjectif et un nom masculin, qui
sert à exprimer une intention caressante, affectueuse, notamment dans le
langage des enfants ou ses imitations. »
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