La revendication de justice aboutit à l'injustice si elle
n'est pas fondée d'abord sur une justification éthique de la justice.
Albert Camus –
L'Homme révolté (1951)
Quand on présente ses vœux de bonne année, il arrive que
– comme moi – on glisse le mot justice
dans la liste. Et qu’est-ce qui nous prouve que la justice soit toujours
souhaitable ? Que son existence, jugée inconditionnellement nécessaire, ne
soit pas une injustice de plus ? On peut le redouter de nos jours avec les
intégrismes religieux qui, après avoir fixé des règles strictes, par exemple en
matière de virginité, en viennent à infliger mécaniquement à de pauvres victimes des souffrances et la
mort : Summum jus, summa injuria.
On nous fera remarquer que dans cet exemple, la justice n’est
que le bras armé de la religion. Peut-être faudrait-il dire, comme Camus :
au-dessus de la justice, il y a l’éthique.
La justice ne porte pas en elle-même sa propre justification ; elle a
besoin d’abord d’être justifiée par une valeur morale.
Mais que gagne-t-on à opérer cette conversion ?
Toute valeur suprême – tout Souverain Bien – n’entre-t-il pas en contradiction
avec d’autres valeurs ?
Estimer qu’une valeur domine les autres c’est juger que
celles-ci sont subalternes : et qu’est-ce qui nous prouve qu’il existe des
valeurs subalternes ? Toute valeur morale n’implique-t-elle pas nécessairement
un impératif catégorique ?
(1)
Toutefois : une action réalisée au nom de la justice
et qui aboutit à une injustice se condamne d’elle-même : la justice ne
tolère pas cette contradiction.
Or, qu’une action faite au nom de la morale, entraine une
conséquence immorale, voilà qui n’est pas absolument impensable : on aura
simplement jugé dominante une valeur incompatible avec une autre – qu’on
préfère sa mère à la Patrie (comme Camus à propos de l’Algérie), voilà qui
relève d’un choix qui reste tout de même dans le domaine de la morale. Alors,
c’est vrai que ce choix peut se discuter : mais c’est normal, dans la
mesure où la morale débouche (peut-être
nécessairement) sur le dilemme (2)
: je dirai qu’un acte se signale comme moral dans la mesure justement où il
soulève un dilemme.
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(1) « L'impératif qui répond à la question « Que
dois-je faire afin d'être heureux? » est un impératif de la prudence. À la
question « Que dois-je faire? », sans plus, inconditionnellement,
la réponse ne peut-être qu'un impératif catégorique. L'ordre formulé ne sera assorti d'aucune restriction ou
hypothèse. Il faut donc qu'un tel impératif trouve son fondement tout à fait a
priori (c’est-à-dire indépendamment de toute
application concrète) » (Lire ici)
(2) Dilemme - Nécessité dans laquelle se trouve une
personne de devoir choisir entre les deux termes contradictoires et également
insatisfaisants d'une alternative.
1 comment:
es meilleurs voeux jean pierre 2014 et je ne mettrai pas dans la liste le mot justice aprés aoir lu vortre billet de la douceur de la subtilité et cornes d'abondance dans vos essentielles valeurs
je vous embrasse
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