Tuesday, February 17, 2015

Citation du 18 février 2015

La concurrence qui, loin de viser à la perfection, submerge les produits consciencieux sous des amas de produits décevants, imaginés pour éblouir le public qui n’obtient le vil prix qu’en obligeant l’ouvrier à se perdre la main dans les ouvrages bâclés, en l’épuisant, en l’affamant, en tuant sa moralité par l’exemple du peu de scrupule ; la concurrence qui ne donne la victoire qu’à celui qui a le plus d’argent ; qui, après la lutte, n’aboutit qu’au monopole dans les mains du vainqueur et au retrait du bon marché. La concurrence qui fabrique n’importe comment, à tort et à travers, au risque de ne pas trouver d’acheteurs et d’anéantir une grande quantité de matière première qui aurait pu être employée utilement mais qui ne servira plus à rien.
Gracchus Babeuf (Guillotiné en 1797)
J’ai cherché comment alléger cette citation par des coupures qui ne la dénatureraient pas.
Mais j’y renonce : d’une part pour rendre hommage à Babeuf et à sa lucidité. Et d’autre part pour montrer que la concurrence, ainsi que le productivisme qui l’accompagne, était, déjà à cette époque, responsable des catastrophes humaines et environnementales qui nous désolent à présent.
Pourtant, plus de deux siècles d’abus ne nous ont pas découragés de faire de la concurrence la valeur devant la quelle nous nous inclinons, nous, les fiers enfants de la Révolution – nous qui avons guillotiné le roi, jeté à bas les privilèges et débarrassé la vie publique des oppresseurs de tout acabit.
Tout ça pour ça…
Comment avons-nous été assez sots pour croire que la liberté de la concurrence était la liberté suprême ? Assez aveugles pour voir en elle la clé de la prospérité pour tous ? Assez corrompus pour aimer l’opulence achetée au prix de la misère des autres – Il est vrai que nous sommes assez vertueux pour assortir cette concession d’une condition : que ces malheureux soient de l’autre côté de la frontière.

Babeuf le rappelle : la concurrence aboutit, c’est là sa démarche naturelle, à son contraire : le monopole qui s’instaure sur les ruines des entreprises qui ont été vaincues. Nous l’oublions peut-être parce que, quand ce malheur arrive, on l’attribue à  quelque autre cause ; mais regardons mieux, là où le processus est encore en marche – par exemple dans le domaine agricole. Voyez ce que la libre concurrence faut subir à la Terre, aux animaux, aux produits que nous consommons. La ferme des 250000 poulets est-elle autre chose que l‘expression de cette concurrence qui lie la production alimentaire au profit?

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