Tu avais coutume de dire que nous avions la vie trop belle.
(…) Ce que tu avais acquis en luttant, nous le recevions de ta main, mais ce
combat pour la vie extérieure qui t’avait été immédiatement accessible et qui, bien entendu, ne nous était pas plus
épargné qu’à toi, il nous fallait le gagner sur le tard, à l’âge adulte, avec
des forces qui étaient demeurées celles d’un enfant.
Kafka
– Lettre au père (1919)
« Les enfants ! Vous
avez la vie trop belle ! C’est d’une bonne petite guerre que vous avez
besoin ! » : de mon temps (!) en entendait des vieux
croûtons réac’ radoter comme ça.
Mais en réalité, ce n’est pas si exceptionnel que ça –
je dirais même que c’est un principe l’éducatif : faire en sorte que les
enfants devienne capables avec leur
propres forces de lutter pour survivre ; il faut donc que ces forces soient
éduquées lorsqu’il en est temps c’est à dire lors qu’elles sont capables de développement.
Si la guerre n’est pas disponible (!), entrainons les
enfants à vivre à la dure pour qu’ils soient ensuite prêts à faire face aux
rigueurs de la vie. Ainsi des petits spartiates qui devaient survivre - et parfois mourir – dans des conditions
extrêmes infligées par les adultes (1). Et quant à nous, nous avons aujourd’hui
encore des organisations scoutes qui forment les garçons et les filles à vivre
à la dure.
D’où vient alors que nous soyons si rétifs à reconnaitre la
souffrance comme formatrice pour l’éducation des jeunes ? Je ne parle pas
de la souffrance comme châtiment, mais de celle qui découle des conditions de
vie infligées dans un but éducatif aux enfants. Et quand je dis « rétifs » le mot est faible :
obligez votre enfant à dormir sur le balcon en plein hiver et vous verrez ce
que la police, appelée par les voisins, va vous faire !
On peut penser que c’est une conséquence de l’évolution de
la civilisation : depuis le 18ème siècle et Rousseau (2) on
considère que l’enfance doit être considérée comme une période à part, je
dirais presque comme un moment autonome de la vie, où l’éducation doit être immédiatement
profitable – sans trop se poser la question des effets à long terme.
Pour nous, l’éducation est un investissement qui, comme
l’impose aujourd’hui la Loi du Marché, doit être rentable à très court terme,
presque un investissement spéculatif.
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(1) « Pendant l'enfance, (les spartiates) mettent
l'accent sur la discipline et la rigueur : les garçons ont la tête rasée, vont
pieds nus et n'ont qu'un seul manteau par an. Une sous-alimentation chronique
les oblige à voler leur nourriture, et ils dorment sur des paillasses de
roseaux de l'Eurotas qu'ils ont eux-mêmes coupés, sans outil. » nous dit
Wiki, Art. Education spartiate.
(2) Encore que le petit Emile soit soumis de la part de son précepteur
à des machinations qui nous révoltent.
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