Comme la confiance est la santé des monarchies, ainsi la
défiance est la santé des Républiques
Alain
– Le culte de la Raison comme fondement de la République (Voir citation
complète en annexe – Lire le texte complet ici)
Issu d’un des textes les plus répandus d’Alain, cet éloge de
la République nous donne l’occasion de revenir sur le sens qu’il faut donner à
ce mot – République, républicain – au quel on accorde une
importance si grande qu’il suffit à lui seul à disqualifier les partis
politiques réputés « non-républicains ».
Alain reprend sans le citer le Discours de la servitude volontaire d’Etienne de La Boétie :
les despotes ne gouvernent jamais seulement par la force mais toujours aussi avec
l’assentiment de leurs sujets (1). Ainsi s’expliquent les efforts qu’ils font
pour inspirer confiance – un peu comme le veilleur médiéval, ils disent à
leurs sujets : « Il est minuit,
braves gens : dormez en paix, je
veille » (2).
D’où l’appel à la défiance considérée comme une précaution
politique essentielle. Alain ira jusqu’à dire que le véritable exercice de la
démocratie réside dans le pouvoir de chasser par le scrutin ceux qui ont abusé
les citoyens.
Oui, mais tout dépend de ce que veulent les citoyens. Alain
suppose que la demande des citoyens est une demande vertueuse, et que le seul
problème réside dans la capacité des dirigeants à y répondre.
Mais, supposez que nous, les citoyens du 3ème
millénaire, nous soyons comme les citoyens romains qui demandaient à l’Empereur
« Panem et circenses » :
le citoyen moderne veut-il toujours la Justice, le Droit, la Liberté et
l’Egalité ?
De fait, chez nous, la réalité de la démocratie est beaucoup
plus inquiétante : quand nous élisons des gouvernants, nous leur donnons
mission de résoudre nos problèmes (3) : nous trouver du travail, nous
soigner, éduquer nos enfants, refaire nos routes etc., et peu importe qu’on ne
sache pas comment ils s’y prennent : il n’y a que le résultat qui
compte ! Nous passons commande pour un bien qu’on n’ira pas chercher nous
même : qu’on nous l’apporte comme la pizza livrée à notre porte.
Bref, on en
connait pas mal qui diraient aujourd’hui : « Retomber en
monarchie ? Quel est le problème pour nous ? Ah ! Si
seulement nous avions un monarque compétent. Ça vaudrait mieux que cette espèce
d’incapable qui nous avons démocratiquement élu ! »
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(1) On a
voulu réduire la thèse de La Boétie à l’affirmation que le peuple aimait la servitude, oubliant que, comme
Alain, il affirme aussi que le despote corrompt
ceux qui le servent.
(2) Ou comme le disait un précédent candidat–Président :
« Je
ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai pas, je ne vous décevrai pas! » (Voir ici).
(3) Qu’on songe au nouveau
despotisme de Tocqueville (texte ici)
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Annexe :
Considérons maintenant comment un État républicain peut retomber en monarchie.
Il n’y peut retomber si les citoyens ne revêtent l’âme monarchique,
c’est-à-dire s’ils ne se mettent à avoir confiance. L’âme républicaine qui
conserve la République sera donc justement la négation de la confiance. À
partir du moment où les citoyens approuvent, les yeux fermés, tous les discours
et tous les actes d’un homme ou d’un groupe d’hommes, à partir du moment où
l’électeur laisse rentrer le dogme dans la politique et se résigne à croire
sans comprendre, la République n’existe plus que de nom. Comme la confiance est
la santé des monarchies, ainsi la défiance est la santé des Républiques.
Alain
– Le culte de la Raison comme fondement de la République
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