L'essence de la vie réside dans la peur de mourir. Si cette
peur disparaissait, la vie perdrait sa raison d'être.
Emil
Cioran – Carnets 1957-1972
La vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort.
Bichat
(repris par Claude Bernard)
Deux citations qui ne diffèrent semble-t-il que par un
mot : celui de « peur ».
Mais ce mot ne fait-il pas tout ?
On pourrait imaginer que Cioran transfère au niveau
psychologique cette sourde lutte que la vie biologique, dans les profondeurs de
notre organisme, livre aux forces mortifères qui tentent de la détruire. Mais
la formule « Si cette peur
disparaissait, la vie perdrait sa raison d'être » nous invite à une
lecture plus radicale en même temps que plus paradoxale : comment oser
dire que « vivre, c’est trembler de mourir » ; car, n’est-ce pas
justement ce tremblement qu’Epicure dénonçait comme contraire à la bonne
vie ? Que répondre à cela ?
- Pour avoir le sentiment de vivre dans toute son intensité,
il faut ressentir la rareté de la vie, la parcimonie avec la quelle elle
s’offre à nous – en un mot son « éphémérité ». Vivre chaque instant
comme si c’était le dernier. « Dépêche-toi,
mon amour, j’suis garée en double file » chantait Pierre Perret.
- Introduire la mort dans les élans de la vie et de l’amour,
quoi de plus tragique – quoi de plus romantique ? Mais en même temps, quoi
de plus faux ?
Car voilà : si la vie a une apogée, n’est-ce pas au
moment de la jeunesse quand l’être emporté par l’élan de son ascension
n’imagine même pas qu’il pourrait – un jour, plus tard – décliner et
mourir ? La jeunesse est le moment où on se sent immortel, on l’a dit et
répété. Dans l’élan du projet, le jeune est déjà à l’arrivée alors même qu’il
s’élance seulement. Comment prétendre alors que la peur de mourir pourrait être
l’essence de la vie ?
La peur accompagne le désir de continuer à vivre : mais il faut être déjà dans la vieillesse
pour l’éprouver.
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Sur le thème Vie et mort dans la biologie moderne voir ici.
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