Charles Baudelaire –
Les Fleurs du Mal (1857), XCVII - Danse macabre
La Danse des morts,
par Michael Wolgemut (1493)
Les danses macabres, tellement célébrées depuis le 14ème
siècle avec le début des grandes épidémies de peste ont frappé notre
imagination : comment la mort peut-elle ainsi se jouer de nous, les
vivants ? Comment ce néant qui nous transit d’effroi peut-il devenir,
comme ici, un être pourvu d’un charme évident ?
On peut évidemment supposer que faute de pouvoir lutter
contre la mort, nous cherchons à la dominer en nous moquant d’elle – un peu
comme Brassens qui se vante d’avoir « semé des fleurs dans le trou de son nez ». Mais c’est faire fi de la pensée
de Baudelaire : cette ironie, ce mépris ricanant vient de la mort
elle-même, pas de nous. Lorsque notre ennemi triomphe et nous terrasse, nous
souffrons encore plus s’il ricane en même temps qu’il nous écrase. Nous
admettrions peut-être qu’on aille « cracher sur notre tombe», mais pas
qu’on dessus pour y danser.
Généralisons : ce que nous supportons mal, c’est
l’idée que notre mort sera l’objet d’une réjouissance, qu’il y aura comme une
fête à ce moment là.
Et si telle est la réalité, et si nous n’y pouvons
rien ?
Reste à faire comme Jacques Brel, feindre que nous sommes, nous-mêmes organisateurs de ces joyeuses
funérailles : J’veux qu’on rit, / J’veux qu’on chante / Quand c’est qu’on
m’ettra dans le trou !
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