Stendhal – Journal 6 juin 1804
Peut-être avons-nous oublié les grandes distinctions qui, au
théâtre, ont structuré toute la scène européenne d’Aristote au 20ème
siècle. Je veux dire que l’opposition entre comédie et tragédie nous parait
désuète, et que nous lui préfèrerons d’autres caractéristiques (comme les
pièces du théâtre de boulevard, ces comédies bourgeoises nous opposons aux œuvres
classiques du théâtre subventionné).
On risque donc d’écouter Stendhal d’une oreille distraite et
de croire que le rire est révélateur de la vérité sur nos contemporains,
d’avantage que les explications plus sérieuses. On citerait alors les gens dont
le métier est de monter sur la scène pour poursuivre le spectacle donné
autrefois par les « chansonniers » en « vannant » les
hommes politiques.
Ce serait une erreur : ce que Stendhal oppose, ce n’est
pas le rire au sérieux, mais le caractère à la passion. D’une certaine façon on
pourrait dire que le caractère c’est
ce qui donne des contours à un personnage, il est bourgeois, il est homme de
pouvoir, elle est une coquette ou une femme d’esprit etc… La passion, c’est ce qui fait avancer
l’action, ce qui les fait vivre. Que serait Phèdre
(la tragédie) sans l’amour-passion qui submerge son héroïne ?
Réciproquement, que savons-nous de Phèdre en dehors de la passion qu’elle
subit ?
On trouve alors une des raisons qui font aimer ou détester
le théâtre de boulevard : c’est que faute du moteur de la passion, il doit
recourir à celui de la situation. Et la situation est complètement stéréotypée,
afin d’être reconnaissable d’un coup, sans perte de temps. D’ailleurs la
situation théâtrale est tellement nécessaire que les Américains on donné le nom
de Sitcom à leur séries télévisées.
Voyons si la citation de Stendhal fonctionnerait pour
décrire une sitcom telle que Friends : le décor immuable (un
canapé) ; une caméra plantée devant ; des personnages qui entrent
dans le champ, qui discutent entre eux et puis qui en sortent. Y a-t-il des caractères ? Oui, bien sûr !
Un groupe d’amis qui vont se rencontrer sur ce canapé pendant 10 ans. Autant dire que des passions, il n’y en a pas, du
moins de celles qui bouleversent l’aventure et qui font surgir ou périr des
personnages.
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