Paul Valéry
Quelque vanité qu'on nous reproche, nous avons besoin
quelquefois qu'on nous assure de notre mérite.
Vauvenargues
VANITÉ, subst. fém.
Caractère d'une personne satisfaite d'elle-même et étalant complaisamment son
plaisir de paraître.
TLF
Il arrive que nos auteurs dialoguent entre eux pardessus
les siècles, s’entre-répondant sans même savoir qu’ils le font. Preuve que le
monde des idées a une consistance bien supérieure à celle de certains actes
humains. Ainsi de la vanité : délaissant le simple plaisir de paraître, la
vanité apparaît ici comme lestée d’une charge affective autrement importante.
Pourrions-nous nous
passer de la vanité ?
Selon Valéry, la vanité est l’autre face de l’orgueil, ce
qui en fait un plaisir essentiel. Si l’orgueil est un défaut, il reste souvent
un moteur essentiel de notre activité.
Comment accomplir une action sans tirer une jouissance de ce que l’on
fait ? Du coup, la vanité se rehausse en venant jouer un rôle important
dans notre vie. Alors, bien sûr, on peut objecter que l’orgueil et la vanité
sont des plaisirs qu’on recherche pour eux mêmes, et peu importe à quel prix on
les obtient. Peut-on être fier d’être adulé par les autres, si c’est au prix de
sottises ? Car, c’est encore vanité que de jouir de l’adoration des
sots !
Mais voici un correctif de Vauvenargues qui, délaissant le
fouet du moraliste, entreprend de nous faire admettre des compromis face à la
réalité de notre nature.
Oui, ce plaisir dont parle Valéry est vanité. Oui, il
s’agit de s’exposer avec complaisance aux bravos de la foule. Oui encore, nous
sommes peut-être prêts à bien des concessions pour l’obtenir. Mais la vanité
est convoquée aussi pour nous
récompenser de notre travail, et cette récompense, ou du moins l’espérance de
l’obtenir est le « carburant » de la création. Je donnerai un
exemple : on sait que Spinoza, du fait de la censure ne publia pas l’Ethique qui resta jusqu’à sa mort dans
un tiroir. Certes il en fit sans doute des lectures partielles à des amis –
tant qu’il en avait ; mais la lecture de l’Ethique dans sa singularité et dans sa systématicité exige bien
autre chose qu’une de telle publicité. Cas exceptionnel que celui-ci, car, comment
peut-on supporter d’avoir « enfanté » une œuvre pareille sans la
produire à l’admiration des autres ?
On m’objectera sans doute que Descartes, qui n’eut pas de
telles contraintes, fit circuler ses Méditations
parmi les grands esprits de son temps, mais que ce n’était sûrement pas pour se
faire admirer, mais pour dialoguer avec ces critiques avant de les publier.
Mais que sait-on de l’intime sensibilité de Descartes ? Ecrivit-il tout
seul dans son cabinet pour lui même ? Et alors pourquoi publier ?
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