Monday, September 07, 2015

Citation du 8 septembre 2015

La photographie littérale introduit au scandale de l’horreur, non à l’horreur elle-même.
Roland Barthes – Mythologies (Photos-chocs) (Ecrit entre 1954 et 1956)

Photo du petit Aylan
Le choc de cette photo a été immense et on peut l’analyser en se reportant au petit ouvrage de Myriam Revault d'Allonnes « L'homme compassionnel » (édité au Seuil). Toutefois, nous ne prendrons en compte ici que les axes indiqués par Barthes dans son analyse des « photos-choc » vues dans une exposition de …1955.
Ecoutons donc Roland Barthes.
- L’erreur souvent commise par les photographes qui veulent faire un effet-choc est la mise en scène ou du moins un cadrage spécialement étudié pour « faire effet ». Le photographe est alors présent dans la photo, il guide l’interprétation, et du coup l’imagination du spectateur est mise à l’écart.
- Mais on n’est pas plus impressionné par la photo qui saisit le moment instantané, le sabre levé qui va décapiter, ou la balle qui frappe le ventre – par exemple de Lee Harvey Oswald (l’assassin de J.F.K. – voir ici) : ces photos sont elles aussi trop explicites, sans mystère donc sans interprétation possibles. « La capture de l’instant unique y apparaît, trop intentionnelle, gratuite, issue d’une volonté de langage encombrante » écrit Barthes.
- Reste donc la photo littérale, qui nous livre l’événement dans sa frontalité, sans signification ajoutée, mais qui nous met en présence du scandale du fait réel. Barthes souligne que ces photos sont souvent des photos d’agence, ce qui correspond à la photo qui nous préoccupe.
- Quel est donc ce fait au quel nous sommes confrontés ? Quel est ce scandale qui nous transit ? Celui d’un petit enfant devenu une épave échouée sur la plage, abandonné dans la solitude de la mort.
Toutefois, ainsi que le dit notre citation-du-jour, Barthes estime que ce n’est pas encore le l’horreur en elle-même. Car pour la retrouver, ce n’est pas la photo qu’il nous faut, mais l’œuvre peinte : seul l’artiste saura distordre la réalité pour lui donner ce supplément de signification capable de nous plonger dans cette exception, ce que la photo est impuissante à faire

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