La
photographie littérale introduit au scandale de l’horreur, non à l’horreur
elle-même.
Roland Barthes – Mythologies
(Photos-chocs) (Ecrit entre 1954 et 1956)
Photo du petit Aylan
Le choc de
cette photo a été immense et on peut l’analyser en se reportant au petit
ouvrage de Myriam Revault d'Allonnes « L'homme
compassionnel » (édité au Seuil). Toutefois, nous ne prendrons en
compte ici que les axes indiqués par Barthes dans son analyse des « photos-choc »
vues dans une exposition de …1955.
Ecoutons donc
Roland Barthes.
- L’erreur
souvent commise par les photographes qui veulent faire un effet-choc est la mise
en scène ou du moins un cadrage spécialement étudié pour « faire effet ».
Le photographe est alors présent dans la photo, il guide l’interprétation, et
du coup l’imagination du spectateur est mise à l’écart.
- Mais on n’est
pas plus impressionné par la photo qui saisit le moment instantané, le sabre
levé qui va décapiter, ou la balle qui frappe le ventre – par exemple de Lee
Harvey Oswald (l’assassin de J.F.K. – voir ici) : ces photos sont elles
aussi trop explicites, sans mystère donc sans interprétation possibles. « La capture de l’instant unique y apparaît,
trop intentionnelle, gratuite, issue d’une volonté de langage encombrante »
écrit Barthes.
- Reste donc
la photo littérale, qui nous livre
l’événement dans sa frontalité, sans signification ajoutée, mais qui nous met
en présence du scandale du fait réel. Barthes souligne que ces photos sont
souvent des photos d’agence, ce qui correspond à la photo qui nous préoccupe.
- Quel est
donc ce fait au quel nous sommes confrontés ? Quel est ce scandale qui nous
transit ? Celui d’un petit enfant devenu une épave échouée sur la plage,
abandonné dans la solitude de la mort.
Toutefois, ainsi que le dit notre citation-du-jour,
Barthes estime que ce n’est pas encore le l’horreur en elle-même. Car pour la
retrouver, ce n’est pas la photo qu’il nous faut, mais l’œuvre peinte : seul
l’artiste saura distordre la réalité pour lui donner ce supplément de
signification capable de nous plonger dans cette exception, ce que la photo est
impuissante à faire
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