L'âge d'or était l'âge où l'or ne régnait pas. Le veau d'or
est toujours de boue.
Graffiti
de Mai 68, Théâtre de l'Odéon
Le veau d’or est toujours debout
Gounod
– Faust Acte II.
On appréciera au passage l’humour de nos jeunes
révolutionnaires de 68 : ils maniaient le calembour avec autant d’aisance
que les pavés (il faut dire qu’il était parfois aussi lourd). C’est bien loin
tout ça… L’idée reste en revanche remarquablement stable : l’adoration de
l’or (ou plutôt de l’argent) est synonyme de corruption ; de même, chez
Gounod, c’est l’œuvre de Satan. Raison
pour la quelle les meneurs de mai-68 se sont totalement discrédités quand on a
su, quelques années plus tard, qu’ils s’étaient rangés dans le camp des
possesseurs de cartes bancaires (moins répandues qu’aujourd’hui).
Je note en effet que cet anathème jeté sur la recherche du
profit est toujours présent et souvent dans des œuvres largement connues et
débattues. Ainsi de Qui est Charlie,
le livre contesté d’Emmanuel Todd, qui situe le point de dérapage de l’Europe-Unie
au traité de Maastricht qui est selon lui l’adoration du veau d’or – c’est à
dire de l’euro.
En quoi consiste le règne de l’or ? Question
ambitieuse, qui demanderait des développements sérieux qui ont d’ailleurs déjà
été faits. Pour moi, je dirai ceci : l’or ou l’argent, bref : la
monnaie, est une abstraction, un signe de quelque chose d’absent. Selon
certains l’argent est un signe, celui d’une reconnaissance de dette, une
promesse de rendre cette valeur sous forme de biens matériels : ce sont
eux qui sont absents. L’argent est le substitut d’un troc.
Dès lors, on comprend que vouloir accumuler de la monnaie
peut ne pas avoir de limites. Je pourrais en effet être saturé de biens
matériels, avoir suffisamment de territoire, avoir plus de soldats qu’il n’en
faut pour ma garde personnelle, être repu de femmes et de parfums – mais quand
donc aurais-je suffisamment d’argent ? Cette question n’est pratiquement
jamais abordée par les riches : je me souviens de Thierry Margerie,
malheureux Directeur général de Total (lui qui est mort dans un accident
d’avion : son parachute doré ne l’a pas sauvé) qui répondait à la question
de justifier ses énormes salaire : « Oui, peut-être bien que je n’ai
pas besoin de tout cet argent… »
Certains comme Bill
Gates reconnaissent qu’ils ont le devoir de redistribuer une part de cet argent
dans des œuvres de bienfaisance (1) : on est dans une tradition nord
américaine issue des Pères fondateurs (en grande partie protestants). Le mérite
se mesure aux gains et quand ceux-ci dépassent les besoins individuels, alors
il est juste de redistribuer sous forme de dons. On peut vivre avec le veau
d’or qui a étable ouverte dans notre salon, mais il est bon de l’emmener
promener chez les pauvres de temps en temps.
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(1) On pourrait aussi évoquer Warren Buffett, le milliardaire
américain qui affirme ne pas payer assez d’impôts.
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