Les laides, on ne saurait en parler ; c'est assez qu'il y en
ait.
Boris
Vian – L'Automne à Pékin
La beauté (contrairement à la laideur) ne peut vraiment
s'expliquer : elle se dit, s'affirme, se répète en chaque partie du corps mais
ne se décrit pas.
Roland
Barthes – S/Z (Cité le 6/7/2008)
Deux citations qui se contredisent quelque peu : la
laideur peut-elle se commenter ou bien faut-il s’y refuser et lui rendre l’hommage du
silence ?
Lorsque jadis j’avais commenté la citation de Barthes,
j’avais tenté de recenser les thèmes qu’on doit aborder lorsqu’on veut évoquer
la laideur : esthétique, moral ; le style ; dans le cas du
corps : profusion des graisses qui étouffent les formes…
Mais relisons : lorsque Barthes évoque des concepts,
Vian parle des gens. Il ne songe pas à la laideur : il songe aux laides –
c’est à dire aux femmes laides. Le
silence qu’il impose est celui d’un refus de conceptualiser une telle injure
faite à la Femme.
Seulement qu’y peuvent-elles, les pauvres ? Le peintre
qui produit une croûte est responsable de sa laideur, et de même pour
celui qui commet un acte répugnant de bassesse. Mais qu’une femme ait un vilain
nez, une taille mal dégrossie et des dents mal plantées : qu’y peut-elle ?
Et d’ailleurs pourquoi en faire grief aux femmes et pas aux hommes ?
Quoique là, on commence à comprendre : la laideur
correspond à la répulsion qu’un homme éprouve à l’encontre d’une femme
considérée comme un objet sexuel. Une laide, c’est une femme qui n’est
pas « baisable » (excusez le terme : c’est là le registre
de la catégorie d’hommes concernés).
La femme laide n’est donc ni inesthétique ni immorale :
par contre elle est repoussante sexuellement. C’est ce jugement que nous
pouvons critiquer : si la beauté est (comme le dit Kant) ce qui impose le
respect, la laideur est ce qui choque parce que contraire au bon goût (voir ici). C’est là, et non dans une étape du jugement érotique, que la laideur
devient repoussante, même si du coup on entre dans des évaluations variables
selon la période historique. Et en même temps, c’est là que la sexualité "d'accouplement" passe au
second plan, puisque celle-ci est du domaine de la reproduction donc de
l’espèce et nullement de l’histoire des civilisations : les femmes laides
n’ont rien à voir avec les femmes fécondes.
No comments:
Post a Comment