Sunday, September 27, 2015

Citation du 28 septembre 2015

Les laides, on ne saurait en parler ; c'est assez qu'il y en ait.
Boris Vian – L'Automne à Pékin
La beauté (contrairement à la laideur) ne peut vraiment s'expliquer : elle se dit, s'affirme, se répète en chaque partie du corps mais ne se décrit pas.
Roland Barthes – S/Z (Cité le 6/7/2008)

Deux citations qui se contredisent quelque peu : la laideur peut-elle se commenter ou bien faut-il s’y  refuser et lui rendre l’hommage du silence ?
Lorsque jadis j’avais commenté la citation de Barthes, j’avais tenté de recenser les thèmes qu’on doit aborder lorsqu’on veut évoquer la laideur : esthétique, moral ; le style ; dans le cas du corps : profusion des graisses qui étouffent les formes…
Mais relisons : lorsque Barthes évoque des concepts, Vian parle des gens. Il ne songe pas à la laideur : il songe aux laides – c’est à dire aux femmes laides. Le silence qu’il impose est celui d’un refus de conceptualiser une telle injure faite à la Femme.
Seulement qu’y peuvent-elles, les pauvres ? Le peintre qui produit une croûte est responsable de sa laideur, et de même pour celui qui commet un acte répugnant de bassesse. Mais qu’une femme ait un vilain nez, une taille mal dégrossie et des dents mal plantées : qu’y peut-elle ? Et d’ailleurs pourquoi en faire grief aux femmes et pas aux hommes ?
Quoique là, on commence à comprendre : la laideur correspond à la répulsion qu’un homme éprouve à l’encontre d’une femme considérée comme un objet sexuel. Une laide, c’est une femme qui n’est pas « baisable » (excusez le terme : c’est là le registre de la catégorie d’hommes concernés).

La femme laide n’est donc ni inesthétique ni immorale : par contre elle est repoussante sexuellement. C’est ce jugement que nous pouvons critiquer : si la beauté est (comme le dit Kant) ce qui impose le respect, la laideur est ce qui choque parce que contraire au bon goût (voir ici). C’est là, et non dans une étape du jugement érotique, que la laideur devient repoussante, même si du coup on entre dans des évaluations variables selon la période historique. Et en même temps, c’est là que la sexualité "d'accouplement"  passe au second plan, puisque celle-ci est du domaine de la reproduction donc de l’espèce et nullement de l’histoire des civilisations : les femmes laides n’ont rien à voir avec les femmes fécondes.

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