Pour agir sur les Hommes, les raisonnements ont besoin de se
transformer en sentiments.
Vilfredo
Pareto
Cité
par Raymond Aron (Les étapes de la
pensée sociologique)
1 – On ne gouverne pas avec des raisonnements. Ou, si vous
préférez, ces raisonnements peuvent bien convaincre et faire admettre le
bien-fondé d’une résolution (comme de réformer les impôts) ; mais ils
n’ont pas de prise sur les volontés : pour que je consente à une hausse de
mes impôts, il faut que je ressente cette
mesure comme étant juste.
2 – Du coup il ne reste que les sentiments à pouvoir faire
levier sur les citoyens. On sait combien l’amour de la Patrie a servi à
persuader de jeunes hommes qu’ils devaient aller se faire tuer à la guerre. Et
combien le respect des Grands Hommes incline le peuple à supporter la servitude
imposée en leur nom. Un régime qui ne pèserait pas sur ces leviers verrait la
société se désagréger en petites communautés cherchant à satisfaire leurs
petits intérêts égoïstes.
Mais l’idée qui tue, ce n’est pas seulement celle-là :
on devine que, selon Pareto, pour arriver à susciter des sentiments (et sans
doute des émotions) capables de mobiliser les citoyens il faudra bien prendre
quelques libertés avec la vérité et l’objectivité.
Mais qu’importe, si c’est la condition pour parvenir au
mieux !
- Un exemple ? Les allègements d’impôts, justement, ou
plutôt de taxes sur les entreprises. On a dit que c’était nécessaire pour
relancer l’embauche. Or on savait qu’il faudrait un certain délai pour
l’obtenir : on n’a pas su en persuader les contribuables et du coup
l’indignation a suivi lorsqu’on s’est rendu compte que les entreprises avaient
empoché le bonus sans embaucher comme promis. Qu’il faille un certain délai
pour que ça marche, et même que les profits soient leur objectif prioritaire –
quoi d’étonnant en régime capitaliste ? Mais que ces profits supposent un
dynamisme entrepreneurial et donc finalement
des embauches, ça peut se comprendre, mais ça ne se traduit pas par un consentement
affectif.
On dira que tous les projets politiques ne sauraient se
traduire de façon affective. Oui – c’est vrai. Reste alors à trouver un
animateur aux dents-blanches et au sourire ravageur pour subjuguer les
électeurs qui sont alors prêts à le suivre jusqu’au bout du monde à condition
qu’il leur dise qu’il les aime toujours.
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