La source et l’essence de notre richesse sont données dans
le rayonnement du soleil, qui dispense l'énergie - la richesse - sans
contrepartie. Le soleil donne sans jamais recevoir...
Georges
Bataille – La Part maudite (1949)
Hier nous évoquions avec nostalgie les belles années durant
les quelles nous gaspillions sans jamais penser à demain toutes les richesses
de la terre…
Aujourd’hui, pour être heureux il faut s’efforcer de vivre en
harmonie avec la nature, faire des bilans et arriver à l’équilibre : « J’ai
pris tant – je remets autant ». Et pourtant…
Pourtant, si la nature est coextensive à l’univers alors,
sauf mécanisme inconnu, elle est bien le lieu de l’entropie. Je veux dire que
le désordre est l’état le plus stable, celui vers le quel évolue l’univers ;
que du coup, l’énergie concentrée dans les étoiles telles que notre soleil tend
à se disperser, et que, sur terre ce que nous appelons gaspillage correspond
exactement à cela. Il a fallu bien des efforts et de l’énergie pour fabriquer
ces fichus sacs plastiques qui polluent la terre et les océans ; mais
patience ! Dans quelques milliers d’années ils se seront décomposés en
molécules, les molécules en atomes…
On veut n’utiliser que des énergies durables. – Veut-on
dire aussi que nous devons aller contre l’entropie de l’univers ? Le vent inépuisable
fait tourner les éoliennes. Inépuisable ? Mais le vent est animé par les
différences de températures donc d’ensoleillement sur terre. Que le même soleil
excite les atomes de nos panneaux solaires, les amenant à engendrer du courant
électrique ? Bien sûr : le soleil dans sa générosité donne sans jamais recevoir.
Oui : cela est vrai parce que nous restons à l’échelle
de l’humanité – de la durée estimée de l’espèce humaine. Car à l’échelle des
durées cosmiques on le sait : le soleil s’épuise à donner sans jamais
recevoir. Dans quelques milliards d’années, il s’éteindra comme une chandelle
consumée.
La philosophie de ces réflexions serait que, dans la vie, on
doit se définir par rapport à un ensemble fermé, famille, amis, peuples,
espèce, à l’intérieur du quel on peut en effet faire des bilans, équilibrer ce
qu’on prend avec ce qu’on rend, se maintenir à niveau etc.
Mais si l’on veut passer à une échelle supérieure, alors il
faut s’attendre à voir se dissoudre tout ce que l’on connaît dans l’homogénéité
d’un désordre parfait. Une sorte d’indouisme – moins l’éternel retour.
« Voici la vérité : de même que d'un feu ardent sortent par
milliers des étincelles pareilles à lui, ainsi naissent de l'Être immuable
(Brahman) toutes sortes d'êtres qui retournent à lui. » Mundaka Upanishad,
II-i-1 (Atharva-Véda).
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