- Il y a des
livres dont il faut seulement goûter, d'autres qu'il faut dévorer, d'autres
enfin, mais en petit nombre, qu'il faut, pour ainsi dire, mâcher et digérer.
Francis Bacon – Essais, sur l'étude
- Les épouses
sont les maîtresses des jeunes gens, les compagnes de l'âge moyen et les
gardes-malades des vieillards.
Francis Bacon – Essais, du mariage et du
célibat
- La jeunesse
est plus apte à inventer qu'à juger, à exécuter qu'à conseiller, à lancer des
projets nouveaux qu'à poursuivre des anciens.
Francis Bacon – Essais, du mariage et du
célibat
Trinité
2
3 citations,
3 formules identiquement structurées. Les livres,
les épouses, la jeunesse sont examinés dans ces formules en rapport avec un élément
(la nourriture, le mari, les projets), et à chaque fois ce rapport est modulé selon 3
degrés : de l’ingestion, de l’assistance, de l’action. C’est ce qu’on
appelle dans les études stylistiques le rythme ternaire.
Il semblerait
présomptueux de vouloir disserter sur le rythme ternaire en littérature, et en
particulier à propos de ces citations de Bacon – « Procédés rhétoriques,
personne ne s’en soucie ! ». Mais depuis la campagne électorale de 2012,
François Hollande a su mettre sur le devant de la scène la rhétorique avec sa
célèbre anaphore et elle ne l’a pas
quitté depuis ; au point que « Moi, Président… » est devenu un
gimmick (1). Mais si l’anaphore comporte un nombre non limité d’occurrences, la
trinité quant à elle est beaucoup plus stricte : tout ça marche par trois,
jamais plus, mais aussi jamais moins. Il y a donc un point de vue précis qui
justifie cette énumération.
Vérifions
avec nos
Citations-du-jour.
- Le livre
d’abord. Il est ici envisagé sous l’angle de la consommation. Notre rapport au
livre est celui de la lecture, mais cet usage est imaginé comme une ingestion, voire même une
métabolisation. Il y a des livres dont on ne saurait faire profit, sauf à en
tirer un plaisir momentané (2). Il y en a par contre qu’on doit, pour les
apprécier, lire en entier et d’une seule traite. Et puis il y a ces livres dont
on dit qu’on s’en contenterait si l’on devait n’en avoir qu’un sur une ile
déserte.
- Les épouses,
comme on le voit ici, n’existent que pour le service de leur mari. Service de
sexe d’abord ; puis service de ménage ; et enfin service de
pot-de-chambre.
- Les jeunes à
présent, sont envisagés sous l’angle du projet. Toutefois, on a un raffinement,
puisque les trois critères de jugement trois inégalités : inventeur >
évaluateur ; exécutant > conseiller ; innovateur > continuateur.
D’où : pas
de livres sans lecteurs ; pas d’épouses (= de femmes) sans maris (=
hommes) ; pas de jeunesse sans vieillesse.
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(1) Sur ce célèbre débat et sur ce qui en
suivit, voir cet article. A noter que, comme on s’étonnait auprès de Nicolas
Sarkozy qu’il n’ait pas interrompu cette tirade, il répondit : « Il était ridicule, pendant qu'il parlait,
je comptais combien de fois il se répétait. Son attitude sera sanctionnée ».
Ah ! Si notre ex-président avait mieux suivi ses cours de littérature, il
aurait tout de suite identifié une figure de rhétorique dont l’efficacité a été
vérifiée par une longue pratique. C’est la revanche de La princesse de Clèves…
(2) On pense
à Roland Barthes qui définit le plaisir du texte comme cet usage primesautier
du lecteur qui, dans la lecture, ne
recherche que le plaisir.
1 comment:
mercipour cette leçon de rhéthorique et stylistique
on a toujours d'un petit point de plus à la besace de notre grand chemin surtout celui qui est celle du plaisir,
je vous embrasse chrer jean pierre. merci de francis bacon.
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