Courroux : colère noble ne convenant qu'à des gens de la
taille d'Assurbanipal ou de Nabuchodonosor.
Pierre
Daninos
Dies irae Dies illa.
Verdi
– Dies irae du Requiem (lire en annexe) A écouter ici
La colère a mauvaise réputation : tantôt ridicule –
comme avec le colérique ; tantôt regrettable y compris pour celui qui s’y
est livré. Mais la colère véritable doit être sainte ; elle resplendit dans le colère de Dieu qui se
déchaine au Jugement dernier. Prenez donc 2 minutes pour écouter le Dies irae de Verdi et vous saurez ce que
ça veut dire (vous pourrez pour faire bonne mesure ajouter le Tuba mirum qui suit).
Enumérons donc les critères de la sainte colère, celle que
Daninos attribue à Assurbanipal ou à Nabuchodonosor.
- D’abord
elle doit être justifiée. C’est précisément le colérique qui se met en colère
pour n’importe quoi, non parce que c’est justifié, mais parce que c’est sa
nature. Soyez convaincu qu’au moment de déclencher le Jugement Dernier, Dieu a
de très bonnes raisons d’être en colère contre ces créatures indisciplinées et
corrompues que nous sommes devenus.
- Ensuite,
la colère doit être proportionnée non à la force de celui qui la subit, mais à
la signification qu'on souhaite lui donner. Bien sûr, Dieu pouvait réduire en cendres d’un
seul coup l’humanité comme dans l’épisode de Sodome. Mais outre qu’il aurait
frappé des innocents, Il peut faire quelque chose de plus terrible encore,
parce qu’il en a le pouvoir : c’est de précipiter les réprouvés un par un
dans le gouffre de l’enfer. Ecoutez Verdi : vous entendez les âmes tomber
en tourbillonnant dans l’abîme insondable d’où elles ne ressortiront jamais.
On comprend que le ridicule soit incarné par le petit homme
nerveux et hystérique qui déchaine des colères sans raison et sans force
véritable – chacun trouvera l’exemple qui lui plait. Mais on ne peut imaginer
Dieu se « mettant en colère » comme nous mêmes – ce serait une
profanation terrible.
Voyer cette gravure :
Pieter
van der Heyden – Le Jugement dernier
Si Dieu est en colère, celle-ci ne se marque pas dans son
apparence : il trône, il orchestre, il organise. D’une main il bénit les
élus ; de l’autre il fait un geste qui suffit à précipiter les réprouvés dans les
tourments de l’enfer. C’est ça la vraie puissance : faire que même en
colère un simple geste suffise à produire l’effet nécessaire. La colère humaine
quant à elle est toute entière faite de signes – même lorsqu’elle se manifeste
dans des gestes désordonnés
« inappropriés » comme de casser le vase en cristal du salon.
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Annexe
Requiem de Verdi « Dies iræ, dies illa, / Solvet saeculum in
favilla, / Teste David cum Sibylla / » (Jour de colère que ce jour-là / où le monde sera réduit en cendres /
selon les oracles de David et de la Sibylle)»
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