Si nous observons l'interdit, si nous lui sommes soumis,
nous n'en avons plus conscience. Mais nous éprouvons, au moment de la
transgression, l'angoisse sans laquelle l'interdit ne serait pas : c'est
l'expérience du péché.
Georges
Bataille – L'Erotisme (1957)
- Angoisse sans la quelle l’interdit ne serait pas /connaissable/. La soumission est donc
inconsciente elle correspond au refoulement, dont Philippe Sollers dit que
c’est l’œuvre de la culture.
- Transgression du
refoulé = angoisse du péché. Ce dont Adam prend conscience avec la
découverte de son impudeur, c’est précisément cela : non que certaines
parties de son corps soient « honteuses », mais plutôt qu’il lui
était interdit de prendre conscience de son corps.
La honte est simplement la condition de cette découverte.
Pour Bataille, la création est nécessairement accompagnée
d’angoisse, puisqu’elle est transgressive, dépassement des limites imposées à
l’être humain par la culture. Le degré de création est proportionnel à celui de
l’angoisse, et bien sûr on devine que la mort va jouer un rôle là-dedans :
plus vous prenez de risques, plus vous en approchez, et plus vous angoissez –
donc plus vous créez.
Au fond, l’impression troublante qu’on a en lisant Bataille,
lorsque le mal et le bien fusionnent, ce n’est pas une expérience d'un naufrage
des valeurs, mais celui d'un mélange opéré par l’incandescence de la création.
En créant, nous transgressons, nous outrepassons les limites, nous entrons dans
un domaine où la vie et la mort se confondent, où la plus grande jouissance
accompagne la plus horrible des souffrances (1).
Bien sûr cet excès ne peut s’atteindre dans la création,
même fiévreuse, de l’art. C’est dans l’érotisme que cette transgression peut
toucher à ce point d’incandescence.
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(1) Allusion au
« Supplice chinois » voir ici.
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