Et qui veut
tout pouvoir doit oser tout enfreindre, / Fuir comme un déshonneur la vertu qui
le perd, / Et voler sans scrupule au crime qui le sert.
Corneille – La mort de Pompée (1643)
Moi j'ai les
mains sales. Jusqu'aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le
sang. Et puis après? Est-ce que tu t'imagines qu'on peut gouverner innocemment?
Jean-Paul Sartre – Les Mains sales (1948)
De la
trahison de monsieur Valls
Corneille est
un écrivain de grande ressource pour qui veut réfléchir en compagnie des
auteurs classiques aux aléas de la vie actuelle. Car si notre vie est faite de
petits évènements qui apparaissent et qui s’envolent au hasard de l’actualité,
Corneille, quant à lui, ne pense et n’écrit que dans l’universel et l’éternel.
Oui, la
trahison (ou comme on voudra l’appeler) de monsieur Valls désertant le camps
qu’il avait juré de défendre pour se ranger sous la bannière de son ennemi
paraît n’être qu’une petite manœuvre électoraliste ; mais Corneille, lui, nous
explique que bien au contraire tous les hommes de pouvoir feront pareil,
partout et toujours, et on devine que ceux qui ne le font pas sont en réalité
ceux qui ont su dissimuler leur trahison plus soigneusement.
Car qu’est-ce
que le déshonneur ? Le refus d’honorer la parole donnée ? Certes,
mais il y a peut-être un plus grand déshonneur au regard du quel celui-ci
n’existe plus. Pour l’homme de pouvoir, la vertu qu’il doit servir en toute
circonstance est ce qui donne et permet de conserver le pouvoir : on
comprend qu’il s’agit de la virtu de Machiavel,
celle qui porte en elle la force et la détermination de s’en servir. Une telle
valeur est suprême elle ne peut donc avoir de justification, sans quoi on
devrait la rattacher à une autre valeur – la quelle serait également à fonder
sur une cause supérieure et ainsi de suite.
o-o-o
Certains
hausseront les épaules : Machiavel est l’homme au quel il a toujours été
mal vu de se rattacher. Et puis, on reproche à monsieur Valls un bien vilain parjure,
puisque qu’on peut lui montrer le papier qu’il a signé par le quel il jure de
faire ce qu’il vient de refuser : soutenir le candidat de son parti. Mais
un peu comme dans Les mains sales, la pièce de Jean-Paul Sartre, voici que la situation
a changé : l’ennemi d’hier est devenu l’allié d’aujourd’hui. Pour sauver
la patrie c’est à lui qu’il faut désormais s’allier. Les valeurs ne sont pas
transcendantes, elles résultent de nos choix et de nos engagements : Manuel
Valls est un héros existentialiste. Il ne craint pas de se salir les mains.
1 comment:
tu as pendant 3 ans scié la branche sur laquelle
j'étais assis;maintenant tu tombes avec moi.
ceci dit je pense que Valls va avoir 5 ans
pour lire ou relire Sartre Machiavel corneille...JFB
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